Huit clos, chez le psy

Hervé Lénervé

Huit clos, en duo, chez le psy, autrement c’est une partouse. Une dépressive consulte un psy qui vient juste de se sortir d’une lourde dépression.

***

-         Bonjour, docteur !

-         Bonjour, docteur !

-         Non ! C'est vous le docteur, monsieur !

-         Oh, pardon, au temps pour moi, excusez-moi, je n'ai pas toute ma tête, ces deniers temps-ci. C'est la première fois que vous venez me voir, madame ?

-         Non, la vingtième, je crois. Mais vous êtes tout pâle, docteur, ça ne va pas ?

-         Pas très fort, non ! Je dois avoir une montée d'angoisse.

-         Allongez-vous sur votre divan, un instant. Je vais vous prendre votre montée d'angoisse.

-         Je veux bien, mais juste une minute, alors !

-         Voilà, voilà, vous êtes bien, là, comme ça ?

-         Pas mal, merci ! Vous savez, mon enfance ne fut pas des plus facile. J'arrivais au Monde par un saut à l'élastique, la sage-femme était maladroite.

-         Merde !

-         Non, je chute sur le carrelage du bloc d'accouchement ! Sur la tête, trois fois, à cause de l'élastique.

-         La vache !

-         Non ! Elle ne l'avait pas fait exprès, elle était vraiment très maladroite, la pauvre… Mais ce geste eut des séquelles dans ma constitution, en déclenchant l'hystérie d'angoisse précoce du prématuré, par une phobie des locomotives à vapeur.

-         Je ne vois pas le rapport ?

-         Moi, non plus ! Cela fait partie de la logique incohérente de l'inconscient.

-         Remarquez, qu'il n'y a plus beaucoup de locomotive à vapeur dans les gares, depuis le tout électrique.

-         Que vous croyez ! Les objets phobogènes sont partout, ils s'adaptent par glissements successifs, c'est la génération spontanée de l'objet phobogène de chez Darty. Un fer à repasser à vapeur est aussi une locomotive. Une bouilloire qui bout, tout autant. Un pélican qui fume la pipe, aussi, mais là, Darty n'y est pour rien. Vous voyez les situations ne manquent pas dans la vie pour vous déclencher une crise d'angoisse.

-         Effectivement, ce n'est pas facile la folie.

-         Très invalidant au quotidien, c'est vrai ! Car tout ce qui échappe au concept de la locomotive, m'y ramène par une suspicion de dissimulations symboliques.

-         Je vois que vous connaissez bien votre sujet, vous n'êtes pas un expert de l'analyse, pour rien !

-         C'est vrai que je ne suis pas donné. Mais comme on dit dans notre jargon : « il faut que l'analyse coûte beaucoup au patient pour enrichir un peu le thérapeute. » Autrement ça ne marche pas, la catharsis ne prend pas.

-         Je comprends, mais je vais vous laisser à présent, j'ai des pensées moroses à ranger dans le vaisselier. Combien, vous dois-je ?

-         Attendez, je vais vous faire une ordonnance pour que vous puissiez exercer dans la profession, vous avez des prédispositiondotéesdedons (Putain ! Il est vachement long ce mot à taper ou il est vachement long à taper ce mot, aussi. On peut dire ça aussi ou encore seulement : Vaches…Long…Taper. On comprend le sens, aussi ! Si, pour ceux qui sont des obsédés ! Y'en a ! Oui, même ici, ma bonne-dame !)

La dépressive quitte le cabinet, après avoir tiré la chasse en ressassant dans sa tête (oui, pas dans la vôtre, non plus !) Là, est tout le travail de la cure analytique, un travail de pensées après séance et la dépressive pense en bienséance : «  La vache ! Cent cinquante la demi-heure ! Il ne se nourrit pas de purin, le cochon ! Alors que c'est moi qui aie tout fait ! La psychanalyse, c'est vraiment une belle fumisterie ! Quelle Arnaque !»

***

Signaler ce texte