III.
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- Et c'est ainsi que tout a commencé. A la suite de ma chute j'ai gardé de nombreux bleus, il s'en est excusé plus d'une fois. Je crois qu'il s'en est toujours voulu.
- Mais tu ne lui en a jamais tenu compte : il avait sauvé ta vie et, de cette façon, permit que vous vous rencontriez.
Madeleine hocha la tête. Sa petite-fille avait les yeux brillants, les mains posées sur la table, comme lorsqu'elle était enfant. Elle buvait les paroles de sa grand-mère. Cette dernière se leva, chercha une boite de gâteau, désigna une des sortes qui remplissait le récipient et dit :
- Goûte-les, je veux connaître ton avis. Je les ai faits ce matin. Je crois qu'ils vont te plaire.
Les yeux pétillants d'Annie se posèrent sur les biscuits. L'un d'eux, à la forme d'un Père-Noël, l'attira particulièrement. Probablement parce qu'il avait des couleurs, au contraire des autres. La demoiselle le porta à sa bouche, cassa un morceau avec ses dents et savoura le gout de vanille qui imprégnait le gâteau. A son air ravis, sa grand-mère ne put s'empêcher de sourire. Pendant que la plus jeune dégustait la douce friandise, son aïeule lui servit une tasse de thé.
- Je dois être franche avec toi, mamie, je les adore. La vanille est très subtile, c'est une merveille.
Madeleine remercia vivement sa petite-fille. Elle avait toujours été sa plus grande admiratrice, niveau cuisine. Elles aimaient toutes les deux la bonne chaire et se concertaient souvent pour offrir un repas digne d'un haut diner pour leurs invités. Cherchant des idées chez l'une, chez l'autre.
Les deux femmes se levèrent et allèrent s'asseoir devant la cheminée. La plus vieille s'enroula dans une couverture aux motifs campagnards tandis qu'Annie se recouvrait d'un plaid orné de sapins de Noël de toutes les couleurs.
- Comment t'es-tu rendue compte que tu aimais Charles? demanda la demoiselle.
- Ca s'est présenté à moi comme si c'était la seule chose possible. Je crois qu'entre nous c'était évident. C'était un jour de forte pluie, il ne cessait de pleuvoir et ça m'agaçait excessivement. J'avais été d'une humeur massacrante toute la journée, jusqu'au moment où j'ai rejoins Charles au marché. Il pleuvait des cordes et il avait apporté un parapluie. Je le lui revaudrais toujours, car j'aurai été trempé si nous n'avions rien eu sous la main. Lorsque nous nous sommes assis sous la tonnelle qu'occupait le stand de sa tante, j'ai compris que c'était avec lui que je voulais faire ma vie. Mais je n'ai pas eu le courage de le lui dire dans la minute, j'ai attendu que je n'en puisse plus, que je trouve ça insupportable. Mais ça a porté ses fruits, car, pendant que j'attendais, il tombait un peu plus amoureux de moi.
Un sourire fendit les lèvres de Madeleine. Ce souvenir, elle l'aimait toujours autant. Et le raconter c'était comme si elle le revivait. C'était magique, et ça lui faisait du bien de partager ses années d'amour avec Charles. Des années d'amour qui s'étaient envolées lorsqu'il était parti. Lorsqu'elle avait rencontré le père de ses enfants. Elle laissa échapper un soupire qu'Annie perçu.
- Pourquoi n'êtes-vous plus ensemble aujourd'hui si vous vous aimiez tant ?
- Lorsqu'il a eut l'âge de rentrer dans l'armée, il a fait son service militaire. Deux ans après, une fois qu'il en avait fini avec ceci, il a été envoyé au Vietnam. A partir de là, on a décidé d'arrêter de se voir, pour pouvoir laisser à l'autre la possibilité de construire une famille, d'avoir une vie normale, avoua la vieille femme.
Elle dirigea son regard vers la silhouette de la demoiselle à ses côtés. Elle avait les yeux plongés dans le feu, un simple sourire flottait sur ses lèvres. Elle trouvait ça magique que sa grand-mère revienne sur de tels souvenirs. Annie tourna les yeux vers Madeleine, lui souriant de toutes ses dents. Elle attrapa sa main et la caressa tendrement.