Il faut être voyant

Mircea Perb

Tandis qu’aux blés du temps s’adonne l’or champêtre,

Les grisailles bleuies des ennuis moissonnés

Poussent aux champs des bêtes et des êtres-lettres.

Ces errants malheureux cherchent à s’envoler

Sans saisir, hors et loin le non-dit et l’angoisse.

Et l’angoisse les ceint d’une torpeur morbide,

Les étreint d’un ailleurs en une peste jouasse

Qui souffle et qui éteint et les rend invalides.

Rares les veilleurs, las, rares sont les voyants.

Ils œuvrent en mélancolie et rient, et rient

De ce qu’ils voient dans l’air, créent ce qu’on sait rampant.

Les sens parlent, les sens, oui. « C’est fini, c’est fini. »

Marchent les bêtes et marchent les êtres, çà

Et là. Les voyants ont compris : sont seuls les blés

Qui vivent et saisissent

Le temps.

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