Il ne faut pas se cramponner, comme tu le fais, pendu !
Cathy Galliègue
Chaque nuit depuis quelques semaines, je trompe Gaspard. Pourtant, je n'ai aucun secret, aucun coup de fil en douce, aucun rendez-vous dissimulé, je ne me prépare pas dans la salle de bain avec ce petit tressaillement, sourire discret au dessus du lavabo et excitation grouillant dans le bas ventre, douce culpabilité de l'acte pas encore commis mais qui arrive, comme une promesse de punir celui qui n'a pas mérité de l'être, de le trahir et d'en prendre un plaisir coupable donc bien meilleur.
Non, chaque soir, je me couche près de Gaspard. Il me prend dans ses bras, parfois nous parlons un peu dans le noir, je ferme les yeux et il arrive... Guillaume arrive.
Il s'installe entre nous deux, colle son corps froid contre le mien, me parle tout bas à l'oreille comme il ne l'a jamais fait avant, parfois même il me baise contre le souffle paisible de Gaspard. Chaque nuit, je succombe au mystérieux, au magnifique Guillaume, à mon premier amour, à ma première douleur.
La toute première fois, je me suis réveillée en pleine nuit, perdue, essoufflée, coupable. Je me suis redressée dans le noir, j'ai touché le lit, je suis retombée sur le dos. J'avais réussi à le repousser.
Huit ans après avoir décidé de mourir, il s'est pointé dans mon sommeil avec le dessein de m'embarquer avec lui. Il me l'a dit. Je suis restée allongée, les yeux grand ouverts dans la nuit, l'image de Guillaume à seize ans, puis à trente ans, la dernière fois que je l'aie vu vivant, se télescopant avec le mort-vivant blême, beau, triste, le fantôme de l'homme qu'il n'a jamais été. La chair autour de son cou était entamée, rougie, bleuie. J'ai posé la main sur sa gorge, il a posé la sienne sur ma bouche. « Viens avec moi, sans toi je n'arrive pas à partir. »
J'ai voulu hurler, mais rien ne pouvait sortir, j'ai appuyé très fort sur son torse nu, l'ai repoussé de toutes mes forces endormies, il m'a regardée avec une blessure béante dans le regard, a souri tristement et m'a dit « à demain ». C'est bien lui ça! Il ne pouvait désirer que ce qui lui échappait. Quand je dis désirer, c'est parce que je ne connais pas le verbe qu'il aurait utilisé pour qualifier les sursauts d'envie qui surgissaient très rarement dans sa vie de faux semblants.
Merci Frédéric!
· Il y a environ 10 ans ·Cathy Galliègue
J'aime beaucoup! Et l'idée, et la façon dont elle est menée.
· Il y a environ 10 ans ·Frédéric Clément