Ils sont du soleil - Part VI

Philippe Cuxac

Biographie et chroniques des albums du groupe YES (écrit en 2011)

Le groupe avait mal terminé le millénaire, autant dire qu'il commence le nouveau d'une façon bien terne. Après la tournée promo de l'album The Ladder, le groupe repart sur la route avec l'idée de refaire le hold-up de Keys to Ascension. La tournée se nomme Masterworks et cette fois, aucun titre post-74 n'est joué. Mieux, la set-list intègre The Gates of Delirium qui n'avait plus été interprété depuis la fin des années 70. Mais la tournée ne se passe pas aussi bien que prévue. Sherwood lassé des complications internes lâche le groupe et Koroshev doit être viré séance tenante pour une sombre affaire d'harcèlement sexuel lors d'un concert. La tournée est stoppée net et l'avenir du groupe gravement compromis, c'est le triste retour de bâton à force d'image galvaudée et de concessions artistiques parfois hasardeuses. Évidemment, c'est sans compter la capacité des Anglais à atterrir là où personne ne les attend. Puisqu'aucun clavier ne veut reprendre son rôle, ils feront sans. Waouh… Yes va faire un pur album de rock avec juste guitare, basse, batterie ? Détrompez-vous, puisque la mode du symphonique revient au galop et que des groupes comme Metallica ou Kansas ont revisité récemment leur répertoire soutenu par une formation classique, comme au bon vieux temps de leur génial Time and a Word, des Moody Blues, de Pink Floyd ou Deep Purple, le gang londonien va s'adjoindre les services d'un ensemble symphonique de pas moins de 60 musiciens. Sous la houlette du compositeur et chef d'orchestre Larry Groupé, le quartet se lance dans l'enregistrement de l'album Magnification. Peu d'infos filtrent de l'enregistrement, le groupe ne communique pas mais au fil du temps le buzz commence à monter, Yes serait de retour et préparerait un album du calibre de Close to the Edge. Vraiment ? Vous y avez cru ? 

Magnification (2001). 

Enregistré entre de février à juillet 2001 et sorti le 10 septembre 2001 chez Eagle Records.

Line-up : Jon Anderson (chant), Steve Howe (guitares), Chris Squire (basse), Alan White  (batterie), Larry Groupé (chef d'orchestre). 

Globalement leur première livraison du siècle est d'un niveau bien supérieur à leurs précédents efforts studio. Sans atteindre évidemment le niveau de leurs chefs-d'œuvre des années 70, l'album sonne vraiment très bien. L'absence de claviers ne pénalise pas l'ensemble et les parties symphoniques soutiennent parfaitement leurs 10 nouveaux titres qui alternent harmonieusement ambiances rock, plages éthérées et très douces. Le groupe se permet même une incursion dans la musique traditionnelle anglaise avec le très folk Soft as a Dove que n'aurait pas renié un John Renbourn. Quant au highlight de l'album, c'est Ia longue pièce In the Presence of, considérée comme un des plus grands titres du groupe. Ce n'est pour une fois pas un morceau à tiroirs explorant différents univers mais une suite qui monte crescendo pour s'envoler avec les anges. Ils en profitent également pour exhumer une vieille démo, Can you Imagine, datant de l'époque XYZ, projet avorté de Squire et White avec Jimmy Page de chez qui vous savez. Pour les textes, Jon Anderson se focalise sur la thématique des réfugiés, phénomène en pleine recrudescence en ces temps troubles. Comme l'explique le chanteur « Si nous réfléchissons un peu, nous avons tous la même valeur sur cette planète. Nous sommes tous reliés à l'énergie d'un seul et même Dieu. Donc, nous devons reconnaître que nous sommes tous des réfugiés ». Mais il n'oublie pas non plus de réciter son bréviaire du New Age pour les Nuls et en appelle toujours autant à l'amour universel, parfois avec une grande naïveté : « Chacun de nous est un être spirituel dans la lumière. Si vous vous souvenez de cela, cela changera votre perception de la vie. Bouddha, Krishna, Mohammed et Jesus sont tous le Christ. Toutes les religions ont un lien avec ce mot simple – Christ - qui évoque le divin. Aussi, nous ne devrions jamais affirmer qu'une religion est meilleure qu'une autre ». Amen ! 

Le groupe s'embarque pour une tournée mondiale d'un an. Au début, sur les dates US, c'est Larry Groupé lui-même qui conduit l'orchestre (souvent différent chaque soir) et puis lorsque la caravane débarque sur le vieux continent, ils s'adjoignent les services d'un orchestre polonais uniquement composé de femmes, puis c'est une formation biélorusse qui prend le relais. Lors de leur passage à l'Olympia de Paris au soir du 26 novembre 2001, le groupe déroule ses classiques, Close to the Edge, Staship Trooper, The Gates of Delirium et I've Seen all Good People mettent leur costume de gala pour charmer la capitale française qui succombe au bout de 3 heures de show et un Roundabout chaud bouillant. 

Magnification est à ce jour le dernier album studio du groupe. Après une longue tournée qui prend fin en décembre 2001, le groupe s'accorde une pause et reprend la route en juillet 2002. Wakeman est remonté dans le navire et le groupe célèbre en 2004 son 35è anniversaire par une tournée de 6 mois qui voit l'inusable formation revisiter le meilleur de son répertoire, toutes périodes confondues. 

Le groupe est à nouveau en désaccord. Doivent-ils retourner en studio ou tourner encore et encore, surfant sur la vague de nostalgie qui frappe le mitan des années 2000. Jon Anderson, qui s'oppose à une nouvelle tournée, est sujet à quelques problèmes de santé et finalement se trouve assez marqué par les faibles ventes de Magnification (malgré cette fois le bon accueil public et critique). Chacun s'éparpille, Anderson donne quelques concerts, Squire, sujet à une crise aigüe de passéisme, remonte un temps The Syn avec Peter Banks, Howe retrouve ses potes d'Asia et même Rabin rejoint parfois Squire et White pour quelques jams impromptues. Pendant ce temps-là, une compilation est publiée, The World is Live. Elle comprend des enregistrements captés en public de 1971 à 1988, ce sont pour la plupart des inédits provenant de bootlegs ou de passages radio. Le son n'est pas toujours au top, c'est assez « brut de fonderie » et là encore, cette somme est plutôt pour les ultra fans toujours à l'affut d'une rareté Yessienne. Les années 2000 s'écoulent sans qu'aucun nouveau projet de Yes soit formalisé et en 2007 White, Kaye et Sherwood forment Circa, Anderson et Wakeman font tournée commune alors qu'est publié un CD / DVD du concert de Yes donné à Montreux en 2003. Les agendas de ces monstres sacrés du rock progressif semblent de plus en plus compliqués à synchroniser alors que va bientôt sonner l'heure du 40è anniversaire du groupe. Finalement, tout ce petit monde arrive à s'asseoir autour d'une table et la nouvelle tombe enfin, une tournée « birthday party » est belle et bien planifiée, elle aura pour nom Close to the Edge and Back et Oliver Wakeman, le fils de Rick, officiera derrière les claviers. 

Mais très vite, les rouages se grippent. Peu avant la tournée, Anderson tombe gravement malade et doit être hospitalisé en mai 2008 pour insuffisance respiratoire. Il souffre d'asthme sévère et doit observer au minimum 6 mois de repos. Le choix est cornélien : annuler la tournée ? Impensable… Repousser ? Inimaginable… Le groupe n'a pas le choix, ne veut pas avoir le choix, il faut continuer, quitte à donner un coup de poignard dans le dos de Jon. Squire déniche un chanteur québécois totalement inconnu, Benoît David, qui officiait auparavant dans un tribute band du nom de Close to the Edge et la tournée démarre le 4 novembre sous le nom de « In the Present Tour – as Steve Howe, Chris Squire and Alan White from Yes ». Une broutille dans un monde où le business prend le pas sur l'artistique, un tremblement de terre à l'échelle de la planète Yes. Anderson est le pilier du groupe, une seule fois il a été remplacé (par Trevor Horn en 1980 pour Drama), mais c'est lui qui avait choisi en son âme et conscience de quitter son groupe. Là, ce sont les autres qui choisissent de le laisser tomber au pire moment. Autant dire que le lutin à la voix d'ange est meurtri, blessé au plus profond de son âme. La tournée dure de novembre 2008 à février 2009. Durant l'été qui suit, Yes remonte sur scène avec Asia en 1è partie, Steve Howe, impérial, assurant les guitares pour les 2 groupes. Benoît David, dont le timbre de voix est, cela va sans dire, très proche de celui de Jon mais le charisme identique à celui d'une palourde, tient toujours le micro. Aucune communication officielle n'a été émise par le groupe concernant les relations avec son ancien chanteur charismatique. Celui-ci se réapproprie doucement sa santé et même s'il ne digère pas l'attitude de ses compagnons de route depuis 40 ans, il se remet au travail, donne quelques concerts solos et entame une tournée avec l'increvable Rick Wakeman. De leur nouvelle collaboration naîtra un magnifique album, The Living Tree, tandis que Jon publie en solo un nouvel album, le merveilleux Survival and Others Stories. 

À ce jour, le divorce semble définitivement consommé entre Jon et les autres. Yes dans sa dernière incarnation, à savoir Chris Squire, Steve Howe, Oliver Wakeman, Alan White et Benoît David, vient de signer un deal avec le label Italien Frontier Records pour sortir un nouvel album, probablement à l'été 2011. Non vous ne rêvez pas ! Un nouvel album de Yes, 10 ans après Magnification. Trevor Horn sera à la production et, outre des nouvelles compositions, le tracklisting devrait inclure une relecture d'un inédit, We Can Fly From Here, qui fut joué uniquement sur la désastreuse tournée Drama. Une tournée est également prévue avec ce line-up, des dates étant déjà calées pour la fin de l'année, avec notamment un passage par Paris le 19 novembre. L'occasion d'aller vérifier si la configuration avec le nouveau frontman et le fils de Wakeman tient la route. Je n'ose imaginer le poids qui pèse à présent sur les épaules de Benoît David… Quant à Jon Anderson, il n'est pas en mal de projets puisqu'il démarre une tournée solo en acoustique et travaille sur un nouveau projet avec Rick Wakeman et Trevor Rabin. 

Ils sont définitivement du soleil, quels que soient leurs excès, leurs pleins et leurs déliés, et surtout quoiqu'en pensent les grincheux, pingouins et autres pseudo-savants de la chose musicale. 

Avec par ordre d'apparition sur vos platines : 

Jon Anderson (chant) – né John Roy Anderson le 25 octobre 1944. 

Chris Squire (basse) – né Christopher Edward Squire le 4 mars 1948. 

Peter Banks (guitare) – né Peter William Brockbanks le 15 juillet 1947. 

Tony Kaye (claviers) – né Anthony John Selvidge le 11 janvier 1946. 

Bill Bruford (batterie) – né William Scott Bruford le 17 mai 1949. 

Steve Howe (guitare) – né Stephen James Howe le 8 avril 1947. 

Rick Wakeman (claviers) – né Richard Christopher Wakeman le 18 mai 1949. 

Alan White (batterie) – né le 14 juin 1949. 

Patrick Moraz (claviers) – né Patrick Philippe Moraz le 24 juin 1948. 

Trevor Horn (chant) – né Trevor Charles Horn le 15 juillet 1949. 

Geoffrey Downes (claviers) – né le 25 juillet 1952. 

Trevor Rabin (guitare) – né Trevor Charles Robinowitz le 13 janvier 1955. 

Billy Sherwood (guitare, claviers) – né William Wyman Sherwood le 14 mars 1965. 

Igor Khoroshev (claviers) – né le 14 juillet 1965. 

Oliver Wakeman (claviers) – né le 26 février 1972. 

Benoît David (chant) – né le 19 avril 1966.


Un grand merci également à Bruno et Julien pour l'aide et l'inspiration.

  • Hé bé, joli travail sur le groupe Yes, dont j'admire la technicité, mais qui, à mon goût est trop tombé dans l'emphase et la grandiloquence. A quand des articles sur Gong ou Soft-machine?

    · Il y a presque 10 ans ·
    P1000170 195

    arthur-roubignolle

    • Ah oui Gong et les Soft, bonne idée... jamais rien écrit sur eux mais pourquoi pas.

      · Il y a presque 10 ans ·
      La sc%c3%a8ne rock

      Philippe Cuxac

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