IMPOSSIBLE DE FERMER L'OEIL ...

Toute la nuit il y a eu cet espèce de hurlement lugubre, comme une plainte à demi étouffée. Impossible de fermer l'œil. J'ai aussitôt pensé à une âme errante : quoi d'autre aurait pu gémir comme ça ?

Heureusement pour ce truc qu'il était déjà mort, parce que sinon, je me serais levé pour l'étrangler ! Mais comment faire ravaler son bulletin de naissance à quelque chose qui n'avait même pas obtenu son laisser-passer pour la mort ?

J'ai donc pris mon mal en patience, espérant que mon fantôme irait hanter les nuits de mes voisins les gendarmes... Mais décidément non, ce spectre de malheur s'obstinait à pleurnicher sous mes fenêtres et lui jeter un seau d'eau n'aurait strictement rien changé, vu le déluge qui lui tombait dessus depuis le début de la soirée.

J'ai essayé l'oreiller sur la tête. C'était mieux. Ses gémissements lointains ressemblaient plutôt à des geignements de bébé, et ça, j'y étais habitué.

Le sommeil venant, je commençais à prendre cette apparition fantastique en pitié. Qu'avait-il donc fait, ce pauvre mec, pour être condamné à l'errance, pour se voir refuser la douceur de la paix éternelle ? Quelle faute devait-il expier ? Ai-je déjà commis cette même faute ? Avait-il une tâche à accomplir avant de trouver le repos ? ET MOI, EST-CE QU'ENFIN JE VAIS POUVOIR DORMIR ?!...

Mais c'eût été trop demander, le ver était dans le fruit, et je cherchais, espérant ne pas la trouver, la faute qui pourrait me condamner aux mêmes vagabondages nocturnes, aux mêmes plaintes douloureuses, à cette souffrance éternelle de l'esprit qui persiste à vivre quand de son enveloppe il ne reste plus rien.

Je ne sais pas si mon fantôme a repris sa route ou si son job accompli, il goûte enfin un repos bien mérité, toujours est-il que je ne l'entends plus. Non. Maintenant c'est moi qui ai pris le relais, ou plutôt ma mauvaise conscience, à moins encore que ce ne soit le vent faisant chanter les gouttières.