Imprévu à cette adresse (2)

loinducoeur

Fallait-il revenir en arrière ?... Où se trouvait ce point d'inflexion dans leur trajectoire ?

Bertrand était resté un long moment tout près d'elle en fait. Enfin, il n'avait pas pu aller bien loin et assis à cette table de bistrot, il guettait sans le vouloir. Allait-elle sortir et pour aller où ? Serait-elle guidée par une intuition réparatrice jusqu'à lui ? Aurait-elle envie de son cou, de sa bouche pour effacer les traces des mots si durs et si froids qu'ils avaient échangés ?

Tiens c'est elle là ! Quel con tu fais mon Bertrand, me suis-je dit alors qu'elle tourne le coin de la rue avec la fluidité et la grâce qu'il aime tant. Et encore un texto qui vient brouiller mon écran de portable pour des banalités de circonstance : "tiens bon !" ou "c'est rien mec ! tu vaux mieux que ça"... "t'inquiètes, elle va t'appeler avant ce soir"...

Depuis ce matin, il luttait contre le courant. Il se prenait pour un saumon remontant le cours de la rivière, mu par son instinct de survie. Comme tous les autres, il tentait de rejoindre la source, là où tout avait commencé entre Anne et lui. Pathétique ! Et encore, c'était peut-être trop pour qualifier sa débâcle et ses gesticulations mentales. Inutile, lui irait mieux non ? Il ne voyait rien. Rien dans leur rencontre flash à cette soirée organisée par un vieux copain de boulot, dans ce loft parisien tellement typique de la "com". Rien non plus dans ce déjeuner qui avait suivi un court échange de mails pour objet leur discussion sur un vague projet de mémoire qu'elle devait absolument terminer avant l'été. Rien enfin dans cet après-midi passée à hésiter entre ses yeux et ses seins, paralysé par l'espérance d'un signal fugitif. 

"Ecoute, tu te prends la tête pour quoi là, Bertrand ? Tu cherches le moment où tu as merdé, c'est ça ?.. pff ! t'es con, j'te jure ! Tu voulais t'engager dans cette histoire ou tu espérais juste la vivre comme ça, sans lendemain ?" Corinne, me rentrait dedans comme elle savait le faire, mais je restais sourd à ses appels à la raison. Je n'avais plus de raison. J'étais balloté par le courant dans un fleuve d'émotions contraires. Des remous me submergeaient, un tourbillon me projetait d'un avis réconfortant à une envie de gerber cette histoire déjà rance.

"Tu sais bien que je ne sais pas. Je suis incapable de décider ce genre de chose. Mais là, tout d'un coup, j'ai paniqué ! Je ne m'attendais pas à cette question, j'étais juste bien. Tu comprends ?" Bertrand détourne son regard et le perd un instant sur les talons de 10 cm de la brune assise à une autre table, sans même s'en rendre compte. Il aimerait savoir si elle sera plus grande que lui quand elle se lèvera. Il devine que non, mais pas de beaucoup. Elle n'est pas mal tout de même. Je sais que Corinne m'attend avec un sourire dégoûté aux coins de ses lèvres. Elle a du me répondre quelque chose dans le style : "pourtant, c'est pas comme si c'était la première fois !", mais je n'ai pas écouté. Pas écouté ce que je sais déjà qu'elle dira. Je m'en agace.

Non. Ce n'était pas la première fois. Je ne suis pas aussi niais que ça, bordel ! J'avais bien senti qu'Anne était bien avec lui. Et puis d'ailleurs, elle m'avait déclaré un soir : "j'aime bien cette légèreté chez toi, Bertrand. Tu sais garder un peu de distance, c'est rassurant." Alors quoi merde ?!

Il était rentré chez lui un peu tard. Le dernier verre pris seul après le départ de Corinne, ne lui avait rien appris de plus. "Ok je l'appellerai demain", avait-il faussement promis, dans un dernier souffle d'optimisme. Bertrand s'était posé sur le tabouret de la cuisine, dans le silence et sans avoir allumé, comme pour mieux entendre sa seule respiration. Immobile et plutôt calme.

Et puis brusquement, il avait su. Anne ne lui avait paru vraiment différente que ce matin. 

  • moi aussi ! ;-) je ne sais pas encore comment rendre cette "séparation mentale" entre lui et son double... j'avais envie de perdre sa trace...

    · Il y a plus de 8 ans ·
    Dancing renoir

    loinducoeur

  • J'avoue avoir été un peu perdue entre les bifurcations entre la troisième et la première personne, quand à côté de ça, la première partie reste dans le "je" , c'est un ti peu dommage, car l'histoire m'intrigue.

    · Il y a plus de 8 ans ·
    Avat

    hel

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