Impromptu

Laura Braguignos

Comme emportée dans un incontrôlable tourbillon érotique...


Un soir d'automne, alors que la fraîcheur de l'hiver commençait à se faire sentir, je m'apprêtais à me rendre à une soirée chez des amis de longue date. Comme à l'accoutumée, j'étais en retard, encore une heure de trop passée à rêver au creux de la mousse de mon bain et de la musique qui accompagnait mon imaginaire à merveille. Une goutte de parfum derrière les oreilles et au creux de mes seins, du rouge sur mes lèvres et je me mis en recherche d'un taxi. Après une bonne heure passée dans les embouteillages parisiens – ce qui n'arrangeait pas mon retard – je payai le taxi, lui intimant de m'arrêter là, je ferai le reste à pied, sous cette pluie légère…

 

Agacée par ces contretemps, d'un pas assuré, je me dirigeais tant bien que mal pour rejoindre mes hôtes qui devaient s'impatienter. Les quelques gouttes devinrent de plus en plus nombreuses, battantes, percutant mes joues, imbibant de plus en plus mes vêtements. C'est à l'angle de la rue que nous nous heurtâmes. Tu semblais tout aussi pressé que moi. Mais à cet instant, comme enivrée par cette pluie, ce déluge, par ton parfum, par tes mains qui, sous l'effet de la surprise, saisirent mes épaules, nos regards plongeaient l'un dans l'autre. Comme une adolescente à l'aune de son premier baiser, mon cœur se mit à palpiter d'une force incroyable. Immobile, tétanisée par cette sensation, je sentais mon corps, ma poitrine s'approcher de toi, subrepticement. Je me surpris à ressentir cette incompréhensible envie de me blottir contre toi. Malgré mes talons tu étais bien plus grand que moi et tes larges épaules s'imposaient là, tel un écran entre le monde et nous. Cet instant me parut interminable et chaque seconde qui passait me semblait durer des heures et j'aimais ça.

 Comme emporté toi aussi par le tourbillon de cette giboulée, tu m'entraînas devant le porche d'un de ces magnifiques immeubles haussmanniens. Je ne me reconnaissais plus, je me surprenais à suivre un inconnu, sans résistance, le plus naturellement du monde… Tu poussas la lourde porte en bois et nous nous retrouvions à présent à l'abri du tumulte extérieur. De tes mains sublimes, tu écartas mes cheveux plaqués par la pluie sur mon visage et je pus enfin admirer la finesse et la force de tes traits. Alors que je tentai d'accompagner tes gestes, tu saisis mes poignets avec force et glissa tes lèvres dans mon cou, le couvrant de baisers. Soulevant ma jupe, ton autre main pétrît mes hanches et mes cuisses avec fougue et envie avant d'arracher la soie recouvrant tout juste mon intimité. Tes doigts décidés et curieux me pénétrèrent et le sourire que tu m'adressas alors manifesta ton plaisir satisfait, ta possession.

 

Hypnotisée par ton emprise, je m'abandonnai à cet instant hors du temps. Plaquée contre le froid du marbre vénitien, des frissons m'envahirent… Mon corps était chaud, brûlant, et n'exprimait qu'un seul désir : te sentir en moi. Resserrant mes jambes autour de ta taille, ma main glissa sur ta nuque, dans ton dos puis sur ton torse. D'un geste impatient et maladroit je tentai de déboutonner ta chemise avant qu'un autre de tes sourires ne m'emporte au cœur de mes plus profonds désirs. Hors de contrôle, arrachant les boutons résistants en un soupir de supplique, je plantai mes ongles dans ton dos, happée par ce besoin extrême que j'étais en train de vivre. Agrippée à toi, tu maîtrisais la cadence et l'intensité de ton sexe me pénétrant. Je relâchais par moment mes bras pour que tu comprennes à quel point je désirais que tu t'enfonces encore plus en moi. Mes cris résonnaient dans ce hall sombre et me revenaient de façon incessante, amenant irrésistiblement une autre saccade. Je me vivais possédée de toi, par ta seule volonté. J'aimais entendre les gémissements que je te destinais, que tu me provoquais. Emprisonnant mes mains derrière mon dos, me maintenant sur toi par l'ampleur et la force de ta verge dressée, laissant libre cours à mes envies pénétrantes, tes mains saisirent mes seins et ma gorge. Jamais personne n'avait malaxé mes seins comme tu le fis, jamais je n'avais éprouvé un tel plaisir à sentir mon souffle se couper par la pression de tes mains, par la brutalité aimante de tes possessions…

 

Un bruit de pas lointain nous tira lentement de nos fougueux ébats. Tu semblais tout maîtriser et à nouveau ton sourire valait des milliers de mots.

 Tu m'enveloppas de mon manteau qui était tombé à terre et de ta main, encore humide de moi, tu réajustas mes cheveux. Nous sortîmes alors de notre abri, la pluie avait cessé, laissant place à un soleil radieux. Tu arrêtas un taxi et lui donna une adresse. La mienne.

Seule dans ce taxi et encore ivre de toi, je rentrai chez moi sans même penser qu'à deux minutes de là, des amis m'attendaient, sans même réaliser que tu savais exactement où j'habitais…

 Ce ballet impromptu semblait m'avoir transformée. J'espérais depuis que j'aurai le plaisir de te revoir, que nous pourrions reprendre ensemble, recommencer encore… Je passe souvent dans cette rue et j'imagine, qu'un prochain jour de pluie, tu réapparaîtras pour me posséder à nouveau.

 

Arrivée à destination, je replongeai dans un bain, comme si je voulais que l'histoire se répète. La mousse sur ma nuque fit émerger une sensibilité, juste à la racine de mes cheveux. Pensant à une écorchure liée à la fougue de nos ébats, je passai mes doigts et sentis des lignes fines. Intriguée, je pris un miroir pour l'observer. Ce fût au-delà de ce que j'imaginais, surréaliste. Pas de griffure, ou de blessure. Juste un mot, comme un tatouage calligraphié à peine achevé, signant pour toujours notre éphémère rencontre : « Mienne ». 


Lo...


© Lo Alabouche

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