L'inconnu du RER
Antoine Mandelli
Il est une peu plus de minuit et demi quand j'arrive sur le quai du RER A. Le RER est en train de reprendre sa course vers la Gare de Lyon. Je prendrais le suivant… Le dernier. Je m'assois sur un des banc le long du quai et je mets mes écouteurs. Je regarde rapidement mon téléphone, envoie un texto à Léo, le mec que je viens de quitter pour prendre le RER et je lance la musique.
C'est alors que trois jeunes hommes arrivent sur le quai. Des lascars, ils parlent fort, chahutent un peu et l'un d'eux ne se gêne pas pour s'en griller une.
Le RER pour Marne-la-Vallée entre en gare, deux d'entre eux monte dans le RER et celui qui fume reste sur le quai. Le train part. Il vient s'asseoir à coté de moi, finit sa cigarette et la jette sur le quai.
Je sens son regard sur moi mais je ne tourne pas la tête pour le regarder, j'attends.
Le RER finit par arriver. Je monte dans le dernier wagon, le plus proche de ma sortie quand il arrivera en gare, il est quasiment vide. Le lascar me suit, il monte dans le même wagon que moi. Je m'assois à l'avant du wagon. Il y a de la place partout, mais le lascar s'assoit sur un strapontin, juste à coté de la porte, juste en face de moi. Il me regarde encore. Je le regarde à mon tour et je sens mon cœur s'accélère. L'excitation est palpable.
Les gens présent dans le RER descendent un a un, arrêt après arrêt. Mais lui reste là.
Seuls dans le RER, nous restons chacun à notre place, on se regard, on se dévore des yeux. J'ai envie de lui mais je ne suis pas le genre de mec qui va draguer, je suis le genre qui se fait draguer…
A deux arrêt du terminus, il finit par se lever. J'ai peur qu'il s'en aille. Il attend que le RER s'arrête mais ne sort pas. Lorsque le RER repart, il vient s'asseoir face à moi. Je n'ose plus le regarder, je me mets à avoir peur, l'angoisse de l'inconnu s'empare de moi. Qu'est-ce que je fais ?
Il pose sa main sur ma cuisse et je suis parcouru de frisson. Je le laisse faire. On échange quelques mots, des banalités et le train arrive au terminus. C'est fini, j'hésite, je l'invite, il accepte.
J'habite à quelques minutes de la gare, on arrive chez moi, je lui propose un verre, je lui serre une vodka, il m'embrasse, je l'embrasse, il me serre contre lui, je me laisse faire.
Le lendemain, après une nuit moite comme je les aime, je me réveil, il est parti, son verre est plein, j'ignore son nom, je ne l'ai jamais revu et pourtant, j'ai pris bien plus souvent le dernier RER vers Boissy !