Instinct de Chasse - Chapitre 15 : Captifs

Lynn Rénier

Dans la semi-obscurité de la pièce, le temps passe sans que Loréna n'en ai conscience. Quelle heure est-il ? Le soleil est-il levé ? Prostrée dans un coin, les bras autour de ses genoux, elle a muché son museau dans son étreinte, attendant qu'on daigne venir les chercher.

Depuis qu'elle a reçu la fléchette anesthésiante de la vampire, elle n'a pas repris forme humaine et est bloquée sous cette forme hybride entre homme et animal. En d'autres circonstances, cela ne l'aurait pas gênée à ce point. Mais ici, au milieu d'une ruche de suceurs de sang, son apparence canine fait d'elle une cible. Elle se sent infiniment vulnérable.

Près d'elle, Lugh n'a toujours pas repris conscience. Sa respiration sifflante est un supplice à entendre. Si seulement il avait pu davantage tenir de sa mère, cela lui aurait sans doute sauvé la vie. La sueur qui perle sur son front et le froncement de ses sourcils montrent qu'il lutte contre la douleur, même plongé dans le coma. Maigre consolation : ses plaies ne saignent plus.

La métamorphe ignore combien de temps ils passent ainsi dans cette pièce. Elle voudrait en sortir. Seulement, lorsque les vampires reviennent, elle n'en est pas soulagée pour autant. Ils s'approchent pour emporter Lugh mais elle bondit devant lui en montrant les crocs. Son grondement sonore résonne entre les murs et les suceurs de sang reculent par précaution.

C'est sans compter sur la vampire qui intervient, bien décidée à ne pas laisser la coyote leur mettre des bâtons dans les roues.

— Ne vous laissez pas impressionner par ce chien galeux ! leur hurle-t-elle. Nous n'avons pas que cela à faire.

— Nous ne pouvons pas la garder ici, Madame, lui répond un suceur de sang.

— Notre ami se chargera d'elle, soyez tranquille. Pour l'heure, pressons ! Le Conseil n'attend pas.

Un vampire à la carrure impressionnante sort du petit groupe pour saisir la métamorphe par le cou et la plaquer contre le mur. Loréna a beau se débattre, sa prise est ferme : il ne la lâchera pas.

 

Pendant ce temps, ses comparses se saisissent de Lugh. Sentant qu'on le déplace, ce dernier ouvre un œil fiévreux et cherche à leur échapper en comprenant aussitôt ce qu'ils sont. Mais son état de faiblesse ne lui permet pas d'aller bien loin et ses jambes le trahissent, se dérobant sous son poids. Il s'effondre aux pieds de leurs geôliers avec un gémissement étouffé.

Tandis que deux des suceurs de sang le prennent sous les bras pour le redresser, il adresse un regard noir à la vampire qui se tient devant lui. Dans l'encadrement de la porte, elle lui offre un sourire carnassier en retour.

Retrouvant une étonnante vigueur l'espace d'un instant, le chasseur se défait de la prise des deux vampires d'un mouvement brusque. Il se campe devant la suceuse de sang aux cheveux blonds, tentant de rester droit, une main sur ses côtes douloureuses. Il la domine d'une bonne tête, mais cela ne semble pas impressionner la vampire le moins du monde.

— Je peux savoir ce qui se passe, lâche-t-il d'une voix sourde.

— Oh, tu le sauras bien assez tôt, mon beau chasseur.

Elle tend les doigts vers son visage, comme pour lui caresser la joue, mais il recule d'un pas.

— Ne me touchez pas…

Une lueur d'étonnement fugace traverse le regard de la vampire.

— Un humain sur lequel notre charme n'opère pas, voilà qui est intéressant.

Lugh ne la contredit pas. Il ne tient pas à ce qu'elle soit au courant de sa nature hybride. Avec les vampires, lorsqu'il est question de sang, mieux vaut ne pas trop en dire.

Sachant pertinemment qu'il ne tiendra pas longtemps éveillé, il jette un regard en arrière pour s'assurer de la présence de Loréna. La découvrant en prise avec le colossal vampire, il est tenté de lui venir en aide. Son corps blessé l'en empêche.

— Lâchez-là ! gronde-t-il.

Les larmes dans les yeux de la coyote l'alarment.

— Lâchez-là, répète-t-il, elle est en train de suffoquer !

— T'inquiéterais-tu pour ce cabot du désert ? se moque la vampire.

— Elle est ma partenaire. Et s'il lui arrive quoi que ce soit par votre faute, je…

— Que feras-tu, Traqueur, le coupe-t-elle. Ici, tu n'as pas d'arme et tu es sur notre territoire. Ici, le Conseil fait la loi. Et tu devrais davantage te préoccuper de ton propre sort. Car l'un comme l'autre, nous ne vous laisserons pas sortir de la Ruche.

— Est-ce une menace ?

Pour seule réponse, elle lui adresse à nouveau ce sourire malsain. Lugh n'a pas besoin de plus, il a compris qu'ils ne sortiront pas vivants de là.

— Avez-vous conscience que la Guildeet la Ligue risquent de ne pas apprécier ?

— Qu'importe. Les humains et les métamorphes ne sauront nous arrêter.

— Vous arrêter ? reprend le chasseur. Qu'est-ce que vous préparez ?

— De ça, Traqueur, tu ne devrais pas te soucier pour l'instant.

Et elle lui assène un violent coup dans l'estomac, lui coupant le souffle.

 

Loréna gronde, tentant de mordre le vampire qui l'emprisonne. Lugh tombe à terre en gémissant. Une toux sèche le prend et un filet de sang coule sur son menton. La vampire prend son visage dans sa main et le force à la regarder. De nouveau, l'expression du chasseur trahit la douleur qui terrasse son corps. La suceuse de sang, elle, s'en lèche les lèvres.

Bande de charognards ! crache la change-forme.

— Neutralise-là, ordonne la vampire au colosse, visiblement agacée.

— Loréna !

L'appel de Lugh résonne tandis que le suceur de sang tire à lui la change-forme pour lui faire percuter le mur à nouveau, avec plus de force cette fois. Le crâne de la métamorphe frappe la paroi avec rudesse. Le mur se fissure sous l'impact et la métamorphe sombre dans l'inconscient.

Le chasseur cherche à rejoindre la coyote, mais on le retient. La fièvre galopante, il se sent partir et lutte pour ne pas tomber dans le coma.

— Bien, sourit la vampire à ses acolytes. Ne trainons pas.

N'ayant pas la force de les en empêcher, le chasseur les laisse l'entraîner dans le couloir. Si les vampires qui l'encadrent ne le soutenaient pas, il serait déjà tombé. Ses jambes sont tremblantes et la fièvre revient à la charger, il se sent soudain incapable de faire le moindre effort. Et pourtant, il s'y force.

D'une main, il presse ses côtes meurtries. Il serre les dents mais la douleur lui permet de rester éveillé. Il tient à demeurer conscient. Les vampires préparent quelque chose et il veut savoir ce dont il s'agit. Il espère seulement avoir l'énergie nécessaire pour les arrêter si le besoin s'en fait sentir…

© Lynn RÉNIER
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