Instinct de Chasse - Chapitre 18 : La Seule Arme qui Reste

Lynn Rénier

Les vampires le ramènent dans les sous-sols, là où s'alignent les cellules. Ils le jettent dans l'une d'elle, sans égard pour son état. Par chance, il s'agit de la geôle voisine à celle de Loréna.

Il ne peut pas s'empêcher de prendre des nouvelles de la change-forme. De ce qu'il voit à travers la fenêtre à barreaux qui les séparent, elle semble aller bien mais conserve une forme animale.

J'ignore pourquoi je suis incapable de reprendre visage humain, lui dit-elle.

— T'ont-ils administré quelque chose ?

— Impossible de savoir. Mais je ne peux pas retrouver visage humain et au milieu de cette ruche…

— Je sais.

Il comprend combien Loréna est anxieuse. Au sein de cette nuée de vampires, sa nature la rend vulnérable. D'autant plus si elle ne parvient pas à se transformer.

— Il faut à tout prix qu'on sorte d'ici.

— Comment ?

— J'y réfléchis encore. Mais il faut avertir la Guilde ou la Ligue de ce que la ruche trame, avant qu'il ne soit trop tard.

— Qu'as-tu découvert ?

Il entreprend de révéler à sa partenaire son effroyable découverte. Tout comme lui, elle tombe des nues.

— Ils préparent ça depuis des mois, et personne ne s'est rendu compte de quoi que ce soit avant que le monstre ne fasse des dégâts… C'est…

— Si nous ne pouvons pas avertir notre hiérarchie respective, ça pourrait être pire encore. Ils ne comptent pas s'arrêter là. Ils veulent étendre leur système à toutes les ruches existantes. Leur limier n'est que le premier du genre. Leurs expériences se poursuivent pour créer de nouvelles générations de ce monstre. Et qui sait ce dont ils pourraient être capables par la suite maintenant qu'ils s'adonnent au croisement génétique et au clonage.

— Par tous les dieux…

La coyote pose sur lui un regard perdu.

 

Elle n'imaginait pas tomber dans un tel guêpier en pourchassant un simple monstre. Voilà que sa mission prend une toute autre ampleur. Lugh et elle savent que le plan de la ruche est un danger. Non seulement pour les humains, mais aussi pour les autres créatures de la nuit.

Si les vampires s'amusent à faire des expériences douteuses, qui sait ce qu'ils pourraient bien créer d'autre ? Le monstre qu'ils ont suivi jusque-là est déjà un danger à lui tout seul. Loréna ne veut même pas songer à ce qu'une meute de ces bestioles pourrait causer comme dégât…

Cependant, les voilà retenus prisonniers par la ruche. Comment prévenir la Ligue ? Comment sortir de là ? Elle a beau tourner et retourner la question dans son esprit, elle ne voit pas de solution. Qu'est-ce qui pousse Lugh à croire qu'ils pourraient s'échapper ? Sa blessure le fait-elle délirer et espérer en vain ? Il n'a pas l'air fiévreux pourtant…

Elle l'observe une seconde. Il n'en faut pas plus pour qu'elle se rende compte que le chasseur a l'air d'aller mieux. Tiendrait-il un peu de sa garou de mère finalement ?

— J'ai au moins hérité de sa guérison rapide, explique-t-il comme s'il avait lu ses pensées. Un avantage non négligeable, surtout dans ce genre de situation lorsque l'ennemi l'ignore.

— Moi qui me suis inquiétée pour toi ! lui reproche-t-elle aussi-sec.

— Je te remercies, Loréna. Mes capacités de guérison ne m'auraient pas sauvé si tu n'avais pas veillé sur moi le temps qu'elles fassent leur œuvre.

Il est sincère et elle se sent rougir. Heureusement, son pelage clair ne laisse rien voir de son émotion.

 

Lugh ne perçoit pas le trouble de sa partenaire. Il est en pleine réflexion. Comment s'échapper d'ici sans alerter la ruche ? Une main toujours pressée sur son flan, il sent sa côte cassée se ressoude doucement. C'est douloureux tant il en a conscience et perçoit son métabolisme guérir peu à peu chaque minute qui passe.

Il n'a jamais supporté cette douleur lancinante après chaque blessure grave. Elle est désagréable, presque insupportable. Pourtant, il remercie ces gênes garous d'agir. Il serait mort plus d'une fois sans eux. Sa renommée, c'est à son héritage génétique qu'il la doit, il faut être honnête.

À subir cette souffrance ténue, il songe à la métamorphose d'un change-forme ou d'un garou. Est-ce aussi douloureux que la régénération ? Il n'ose pas demander à Loréna ce qui l'en est. Ce n'est pas l'endroit, ni le moment pour un tel sujet.

Il y a plus urgent, à commencer par l'apparence animale de Loréna. Ici, elle est en danger. Arborer un visage humain aurait pu la protéger. Mais sa forme bestiale fait d'elle une cible pour les vampires. Ils n'hésiteront pas à s'en prendre à elle simplement parce qu'elle est transformée.

Si la change-forme ne sait pas se métamorphoser, il va falloir conjuguer avec. La ruche leur a pris sabre et arbalète. Leur seule arme reste leur nature et il faut reconnaître que ce n'est pas grand-chose vu les circonstances.

© Lynn RÉNIER
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