Instinct de Chasse - Chapitre 7 : Association

Lynn Rénier

La métamorphe le fixe du regard. Ce regard ambré typique de la Communauté des Changes-Formes. Elle réfléchit à ce qu'il vient de dire. Mais à tant d'autres choses encore. À la tâche que lui a confiée la Ligue, à ce monstre qui rôde toujours, à ces vies qu'il faut protéger.

Le chasseur contemple ses recherches, tellement pensif. Il ne l'avouera certainement pas, mais elle décèle de la peine dans son regard. Cet homme est un personnage bien curieux. Il ne ressemble en rien à l'image qu'elle s'en était faite. La Communauté parle tant de lui. Pourtant, elle n'aurait jamais imaginé qu'il soit si…

Elle ne trouve pas de mot pour décrire ce personnage dont la Ligue parle tellement mais ne connaît nullement, en vérité.

- Je vous y aiderais, lui dit-elle.

La surprise qu'elle lit sur son visage la fait sourire.

- À chasser cette bête, précise-t-elle.

- Je ne veux pas que vous vous en sentiez obligés, Loréna, je…

Elle pose une main sur son bras.

- Lugh, je ne me sens pas obligé. la Ligue m'a chargé de cette tâche, je dois la mener à bien. Il en va de même pour vous et la Guilde. Alors, joignons nos efforts pour attraper ce monstre. Qu'en pensez-vous ?

- Nous n'avons guère le choix. Il faut mettre cette bête hors d'état de nuire.

- Oui. Et nos compétences à chacun peuvent être complémentaires. Un chasseur émérite et une change-forme. Voilà une belle équipe, plaisante-t-elle. Mais qui sait. Sans doute serons-nous à la hauteur de la tâche.

- Certainement.

Il reste du scepticisme dans sa voix, elle le sens.

- Vos capacités sont sans égales. À nous deux, nous pourrons mettre un terme à ces massacres. Ne croyez-vous pas ?

Il scrute un instant ses fiches, méditatif. Puis, il finit par se tourner vers elle.

- Je suis partant pour que nous joignions nos forces. Mais avant cela, s'il vous plait, tutoyons-nous, vous voulez bien.

- Oui, bien-sûr. Pardon. C'est l'habitude. Pour nous, c'est une marque de respect envers les étrangers, les inconnus et les êtres que nous estimons. Je ne voulais pas vous… heu, je ne voulais pas te mettre dans l'embarras.

Il lui adresse un sourire, presque pour la rassurer.

- Ce n'est rien, je n'ai tout simplement pas l'habitude d'être considéré avec respect… souffle-t-il. Alors pour moi, c'est plus simple de tutoyez les gens.

- Je comprends.

Il jette un rapide coup d'œil par la fenêtre : le soleil se couche. Cela signifie aussi que la bête s'apprête sans doute à sortir, pour repartir en chasse.

- Te sens-tu d'attaque ? Demande-t-il.

- Oui, ma blessure va cicatriser rapidement. Pas d'inquiétude. Nous autres métamorphes bénéficions d'une capacité de régénération plus rapide que la normale. Dans quelques heures, il n'y paraîtra plus rien. Et puis, avons-nous vraiment le choix ? Nous ne pouvons pas laisser ce monstre tuer de nouveau.

- Encore faut-il qu'il sorte de son trou. Après la nuit dernière, il doit être sur ses gardes et extrêmement méfiant.

- Patrouiller ne nous coute rien. Il vaut mieux prévenir que guérir.

- Tu n'as pas tort.

Il l'étudie une seconde avant de fouiller dans l'armoire.

- Avant toute chose, tu ne peux pas sortir comme ça. Il te faut de quoi t'habiller un peu.

- J'ai craint un moment que tu ne t'en rendes pas compte et que je sois forcée de sortir toute nue, rit-elle.

Il esquisse un rictus:

- Je suis peut-être un peu empoté lorsqu'il s'agit de sociabilité, je le reconnais, mais je ne suis pas aveugle pour autant. Et puis, que serait un chasseur sans son sens aigu de l'observation ?

Le nez dans ses maigres affaires, il en tire un jean et un t-shirt qu'il lui tend.

- J'espère que ça ira.

- Ça devrait, merci. Où puis-je me changer ?

- La salle d'eau est juste là, lui indique-t-il.

Il ne patiente pas longtemps. À peine s'éclipse-t-elle dans la petite pièce, qu'elle revient. Le t-shirt est un peu grand mais pour un soir de veille, ça devrait faire l'affaire.

Récupérant son arbalète et son sabre, il enfile son manteau. Il lui tend une veste courte et une écharpe, plus par galanterie que par peur qu'elle n'ait froid. Après tout, les changes-formes ne sont pas réputés pour être frileux.

- En route, dit-il. Tentons de retrouver sa trace là où nous l'avons perdue.

- C'est ce que j'allais suggérer.

Ils prennent soin de ne croiser personne en sortant de l'appartement. Un couple qui se balade avec arbalète et sabre ne passe pas inaperçu et pourrait susciter quelques interrogations si ce n'est quelque frayeur. Pour leur chasse, la discrétion est de rigueur. Autant pour eux, que pour les humains au milieu desquels ils se trouvent.

Ils prennent rapidement le chemin des toits, offrant une meilleure vue sur la ville et leur permettant aussi de passer inaperçu plus facilement. La métamorphe suit Lugh sans se plaindre de son pas rapide et de ses grandes enjambées. Il marche vite, il le sait, il n'a pas pour habitude de traîner pour flâner. Peut-être Loréna ne parviendra-t-elle pas à suivre son rythme. Mais la foulée de la change-forme colle à la sienne et ils traversent ainsi toute la ville en déambulant de toit en toit.

© Lynn RÉNIER
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