Institut tueur
Michel Chansiaux
Même avec le titre ronflant de « Professeur des écoles » mis en place par un ministre rabelaisien socialiste sur la proposition de son prédécesseur, un sobre et lugubre parpaillot, devenu chef du Gouvernement de gauche, les maîtres maîtrisaient de moins en moins leur fonction. Le mammouth administratif n'avait pas perdu une once de graisse et survivait tel un pachyderme fossile et pathétique. Les parents issus de la génération « trou-du-cul fait Roi » par la bouffonne Françoise Dolto, sévissaient par leurs caprices égocentriques. Les édiles municipales lorgnaient de plus en plus sur des idéologie nées sous la plume des pacificateurs de la Kabylie de la Trinité-sur-Mer. Tel était le tableau ! Les plus téméraires, inconscients ou provocateurs acceptaient des missions masochistes de directeurs, remplaçants, détachés, « rasedés » et autres statuts bancals. A la campagne, c'était le bouquet, à eux les frais d'essence de leur poche, les inspecteurs bornés et incompétents qu'on aurait cru d'anciens gendarmes, les stagiaires dépressifs, les clés des salles à récupérer dans le tracteur de l'adjoint et la classe unique en son genre, fruit de la consanguinité sociale, de la prééminence la première chaîne de télé et de la bière en canette dans le frigo. C'était dans ce genre de patelin qu'il se dirigeait ce matin, en priant la météo hésitante, les camions de betteraves le crépissant de boue à chaque croisement, le plein payé mais oublié la veille par son fils qui avait emprunté la voiture pour aller fricoter avec sa copine de bien vouloir lui permettre d'arriver à huit heures et quart sur le lieu des hostilités. On l'avait prévenu à l'Académie, que le remplaçant nommé jeudi, suite à la défection inexpliquée du titulaire, ne s'était pas présenté vendredi, qu'on avait donc envoyé un autre jeune là-bas, introuvable ce matin, c'est pourquoi un solide cinquantenaire de sa trempe, avait été choisi pour inaugurer la semaine chez les « Hillbillies » de l'arrière côte, pays du ratafia et du juxtaposé à canons lisses chargé aux chevrotines à 21 grains. L'école était située dans une charmante bâtisse du début du siècle, une ancienne cure récupérée à la séparation de l’Église et de l’État, dans les années 1900, lui expliquait le Maire qui l'accueillait dans la classe chauffée, avec café et ses chouquettes « Faites maison, aux bons œufs de ferme ». Le pied !. « On aimerait bien garder un instit comme vous ici pour toujours » déclara l’Élu. « Si çà ne tenait qu'à moi...» répondit-il, l'expérience lui ayant prouvé la sagesse de ce propos que n'aurait pas renié Confucius dans les mêmes circonstances. L'heure de la fin des salamalecs ayant sonné, il descendit dans la cour, frappa dans ses mains et les enfants se mirent aussitôt en rang. Il sourit. Cela faisait bien des années qu'il n'avait pas vu une telle discipline. Décidément ici ce n'était pas comme ailleurs. Il gagna l'estrade et se retourna. Face à lui, des mômes calmes, tous avec le même regard étrangement attentif. « Bonjour mes nouveaux élèves, primo, les présentations. Je suis P.... N..., votre instituteur remplaçant . Je vais procéder à l'appel, vous répondrez non seulement « présent » mais vous me direz votre prénom et votre nom pour que je vérifie si je ne les ai pas écorchés ». A chaque appel, il se sentit défaillir, les mômes sortant de leur cartable, un à un, qui un couteau, qui une scie, qui un couperet, qui une serpe, qui une machette et les plus anciens les têtes réduites de ses confrères à la mode Jivaro. Il fit ouf en voyant le Maire revenir en courant. Essoufflé, il se précipita dans la classe et déclara « Du calme les méchants, son Inspecteur confirme qu'il mérite qu'on l'empaille en entier » et il sortit sa dague de chasse. Sans le magnéto miniature en enregistrement permanent conseillé par le Syndicat retrouvé dans son cartable, qui aurait pu imaginer ?
C'est un conte d'hier? Aujourd'hui ils sortent des flingues, c'est plus rapide et des couteaux à cran d'arrêt... Je suis de la vieille école, mais ton histoire relève de la fiction ou alors on n'a a jamais parlé ou écrit une ligne... ou encore, n'aurai-je rien compris???
· Il y a presque 11 ans ·yoda
C'est un conte donc intemporel
· Il y a presque 11 ans ·Michel Chansiaux
effectivement, en plus j'avais mal regardé le titre!!! Tout y est dedans, mais quand même, c'est le mois des jolis contes ! Toutefois, le maire connait la situation, pourquoi espère-t-il garder cet instit ? A moins que ce ne soit superinstit...
· Il y a presque 11 ans ·yoda
Pour l'empailler !!!
· Il y a presque 11 ans ·Michel Chansiaux
va falloir que je change les verres de mes lunettes!!! En plus à la campagne, ils ont ce qu'il faut !
· Il y a presque 11 ans ·yoda
Oui ils ont depuis longtemps des lentilles qui font la joie des vieilles branches de lunettes pouvant faire valoir ainsi leur droit à la retraite
· Il y a presque 11 ans ·Michel Chansiaux
Leur droit d'ainesse en quelque sorte... trop facile!
· Il y a presque 11 ans ·yoda
Du droit d'ainesse au droit de cuissage, il n y a pas beaucoup de chemin
· Il y a presque 11 ans ·Michel Chansiaux
ça dépend, si on l'abandonne à son cadet
· Il y a presque 11 ans ·yoda
C'est effectivement un cas d'école blanc
· Il y a presque 11 ans ·Michel Chansiaux
Bien vu!!!
· Il y a presque 11 ans ·yoda