Ivresse

Magali B.

(texte librement modifié, écrit à l'origine pour ladiesroom.fr l'original ici : http://ladiesroom.fr/2014/06/02/un-nectar-pour-ma-peau-et-mes-yeux)

Ce matin-là. Un verre traîne sur la table basse. Je lance nonchalamment un comprimé blanc au fond et je verse de l'eau dessus. Aucun bruit dans la pièce, à part le son des bulles dans le verre, ma respiration, les dizaines de petites éclaboussures blanches qui viennent s'écraser contre les parois. Dans la salle de bain, j'emporte le verre et me regarde dans le miroir.

Tiens, il faudrait que je le nettoie. Un coup de chiffon peut être. Du doigt, j'efface une trace. J'ai le teint brouillé. Les traits tirés. Les yeux. Cernés. Un peu de noir encore sur ma paupière, juste là. Je me passe les deux mains sur le visage. Je saute sous la douche. L'eau chaude coule, sur les pieds d'abord, je remonte, les jambes, je remonte encore, l'eau maintenant inonde mes cheveux, je ferme les yeux.

Dans ma tête, des bribes de conversations se percutent avec des tintements de verres levés. Je revois la petite table, la bougie au centre, la flamme qui s'agite. Nos quatre verres qui se lèvent au rythme des éclats de voix. Je revois les yeux, les regards complices, les mains qui bougent, les lèvres qui dessinent des sourires, les lèvres qui se pincent, qui prennent le temps. Les mots prononcés, les sourires qui s'effacent, mais pas trop. Les vérités qui sortent. Mais pas trop. Et puis j'entends les voix qui se perdent dans le bruit ambiant, lointaines, de plus en plus, à mesure que l'alcool dans mon verre se vide.

J'ouvre les yeux, l'eau chaude a embué tout le miroir de la salle de bain. De la vapeur, partout. Enroulée dans une serviette blanche, je file à la fenêtre, l'ouvre en grand. L'air frais sur mes bras nus et humides, le soleil levant, les oiseaux qui chantent. C'est vrai, ils sont revenus, l'hiver est loin déjà. Ça va être une belle journée.

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