Ivresse enragée.
Nathan Noirh
Est-ce que la honte revient ? Les morts disent que non, la lune hurle que si.
Quand tu ploies le genou, que la rougeur des caprices et de la honte s'installe sur tes joues, je te demande de croire. Tu en as le devoir. Quand tu seras prostré dans ton appartement à regarder ton compte bancaire, tes vêtements négligemment rangés, la naissance de la moisissure sur ton mur et les feuilles administratives empilées, je te demande de croire. Le goût salé et terne de tes larmes ne trouvera un but que lorsque tu n'auras plus peur. Je ne te demande pas de fermer les yeux et de laisser faire. Je ne te demande pas non plus de ne plus avoir peur, de ne plus frissonner et rentrer les épaules. Je ne te demande pas d'adopter un nouveau mantra et de réciter chaque jour quelques paroles philosophiques. Je ne te demande pas d'apprendre par cœur un passage de film qui en jette et qui claque. Je ne te demande pas de coller un post-it sur ton miroir avec des mots et des concepts de bonheur. Je ne te demande pas de le dire aux autres dès que tu as réussi quelque chose. Ressentir de la fierté quand tu réalises une petite victoire ? Du bonheur parce que quelques personnes sur les centaines d'enfants à venir verront une petite trace ? Tenir au courant ta cour personnelle de ton accomplissement du jour ? L'humilité te permet de ne pas perdre pied, de rester homme et non tout puissant dans ta tête. L'humilité, c'est pour toi, tous les jours, quand tu te regardes dans les yeux chaque matin. La satisfaction, le bonheur, l'achèvement, c‘est pour toi. Les actions désintéressées, les paroles qui réconfortent, les gestes qui rassurent, les mots qui touchent, c'est toi seulement. La sensation d'être plus fort, plus rapide, plus intelligent, ce n'est rien. Ce n'est que toi.
Maintenant que tout cela est acté, entends-moi : je t'interdis d'être humble quand tu pourrais faire plus, dire plus, montrer plus. Je t'interdis de te contenter. Je t'interdis d'aimer ce que tu as fait, tout ce que tu as pu réaliser jusqu'à maintenant. Tes capacités, tes acquis, tes connaissances, tes sentiments… ils ne sont rien tant que personne ne les a vu. Tout cela, ce n'est rien. Ce ne sont que des larmes dans la pluie, des cris dans la tempête et des caresses dans le sommeil, ils n'existent que parce que tu y penses.
Si tu sens que tu dois te forcer, arrêtes. Si tu dois trouver le temps pour le faire, que tu dois te préparer, que tu dois prévenir les autres de ne pas te déranger, annoncer ce que tu vas essayer de faire, dire ce que tu penses faire, arrêtes. Si ça ne te brûle pas, si ça ne t'écorche pas, ne le fais pas. Si tu dois attendre des heures que cela te prenne, oublies pour aujourd'hui. Si tu le fais pour avoir autre chose, pour quelqu'un d'autre que toi, ne le fais pas. Le faire pour ressembler à quelqu'un ? Le dire pour impressionner les autres ? Le montrer d'abord à ta famille, ta petite amie, ton entourage ? Pour avoir d'abord une approbation, un sentiment fugace de confiance ? Jamais. Jamais. Jamais.
Je te demande d'être prêt à mourir pour ce que tu as l'intention de faire. Soit prêt à entrer avec rage, avec colère, avec amour, avec puissance dans cette journée et cette nuit. Tes jambes doivent trembler, ton cœur doit s'accélérer, tu dois perdre ton souffle, tu dois frissonner et transpirer de tout ton être. Tu dois perdre des gens, tu dois souffrir, être meurtri et pleurer toutes les larmes de ton corps. Tu dois aimer, tu dois rencontrer des gens, tu dois rire tout seul, manger sans t'arrêter et courir sans regarder devant toi. C'est de la haine que je demande, de la folie, de l'ivresse enragée. Je te demande de haïr ce que tu ne veux pas devenir. Cela doit te perforer, te prendre tout entier, tu dois en transpirer à cause de cette envie insupportable.
Tu dois te sentir vivant. Tu dois te sentir fatigué, te sentir vidé. C'est à ce moment que tu sauras que tu as eu raison de croire. Lorsque le sang coule et la douleur devient insupportable, cries avec rage. Cries avec rage car tu as fait quelque chose.
Il y a un bonheur plus grand que tout dans la vie, c'est de faire ce que les gens disent que vous ne pouvez pas faire. Et le bonheur encore au-dessus, c'est le sourire qui naîtra sur tes lèvres à ce moment-là. Tu ne le connais pas encore ce sourire, mais tu le chercheras toute ta vie, à le provoquer, à le découvrir, à l'accueillir.
"En plein jour et dans la nuit noire, jamais je ne pose le genou à terre."
Très belle plume, si je peux me permettre. ;o))
· Il y a environ 5 ans ·Hervé Lénervé
Une pensée magnifique bien écrite et qui arrive à point nommé pour moi. Merci !
· Il y a environ 5 ans ·Lady Etaine Eire