Jacky

jokoster

Jacky «La ferme!», Dieu que j'en ai assez, Voici près d'une foutue demie-heure que Mary me bassine avec sa musique à la noix. Presque une moitié d'heure, vingt-six minutes qu'elle se pavane avec son instrument à la con, à siffler, souffler, tapoter et pousser, le visage écarlate et trempé de sueur, la nuque fière et l'oeil assuré. Quelle foutue merde. J'n'arrive pas à croire que je me sois laissé embarquer là-dedans. «Viens à la campagne, Jacky, y'a d'la verdure, y'a des prairies!»; et moi tout c'que j'vois c'est ce champ d'mes deux, clair et aride, sentant la mort et l'inertie, cette sueur sur les visages et cette foutue bonne femme qui s'prend pour Ellington. J'inspire un bon coup, j'me sers un verre de ce qui est sensé être de la bière, j'expire dans ce même verre et fais un cul-sec. J'me râcle la gorge, manquant de m'étouffer dans ma propre salive, j'me dis que l'temps va p'têtre changer, alors je choppe ma veste en jean brut étalée sur le divan, mon béret couleur accident-de-froc- et je me dirige vers la porte de devant, qui, à quelques kilomètres près donnerait en plein sur l'autoroute. Foutue merde. Le vacarme cesse un instant:«bah où qu'tu vas?!» que m'crie la dinde à l'étage, «mêle-toi d'ton cul, Mary.»; «j'espère que t'as pris ta veste, il va p'têt' faire frais ce soir!» «lâche-moi la grappe, Mary, et retourne à c'que tu fais, paraît qu'ça fait vivre.» Je presse le pas jusqu'à la porte moustiquaire , je la pousse tellement fort et elle est si légère qu'elle manque de me revenir en pleine poire. J'enjambe les marches du perron et me retrouve au beau milieu d'ce foutu champ. J'essuie une goutte de sueur au dessus de mes lèvres et me dit que j'aurai mieux fait de faire le plein d'eau potable dans le réservoir. Seulement j'ai aucune envie d'retourner à l'intérieur, et d'entendre Mary et son foutu jouet. Après bien trente minutes de marche et de titubance, me voilà sur l'autoroute la plus paumée et la plus crasseuse que j'aie jamais vue. Je m'arrête un instant, pose mon cul sur le rebord, où l'herbe sèche vous troue l'derrière et me mets à observer le ciel. Le soleil me réchauffe le visage, je ferme les yeux et me donne à lui,et je sens mes rides se creuser aux coins de mes yeux. Les yeux toujours clos, je me mets à fouiller dans la poche gauche de ma veste, où je finis par trouver une vieille paire de lunettes rouillées et poussiéreuses, qui ont pour seule qualité d'avoir des verres de couleur vert. Je respire à pleins poumons et me dis que j'ai bien fait d'arrêter la clope. Je profite un moment. Je décide de me lever, puis me rend compte que je n'ai aucune idée de quelle direction prendre. Mon bassin se tournant plus vers la gauche, c'est le côté que je décide de choisir.

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