J’ai bouffé mes rêves

Comme tous les soirs je me suis retrouvé alité, alléché à l'idée de pouvoir à nouveau déguster une note de Morphée. Juste une pour la nuit, comme une exquise sucrerie, pour s'évader, s'extasier...

Eveiller mes papilles crépusculaires de fragrances nocturnes et d'éclosions boréales. Mais il n'est nuit qui se dévore sans us et coutumes de la mise en appétit onirique ! Tout commence généralement par la posture : le sourire ancré, le buste haut, les gestes droits, tel un plongeur aux olympiades, face à cet océan drapé et affriolant, n'ayant plus qu'à s'effeuiller pour se retirer toute empreinte du diurne. Un petit entrechat et puis s'en va... L'homme s'élance, le cœur libre, la croupe virevoltante, un ultime saut vers l'inconnu et puis. Plus de fracas... Plus d'écumes… La douceur enrobante du dernier souffle d'angoisse s'échappant aux larges de nos horizons passées... La couette qui lentement se glisse jusqu'à notre cou tel un bavoir nous protégeant des éclaboussures de cauchemars. L'oreiller qui doucement se modélise aux contours de nos cervicales et nous berce dans un écrin délectable...

Bref ! L'heure est venue de se mettre à table !

Débutons tout d'abord par un petit amuse-bouche chimérique, une gueulardise, un canapé... Oh ! Quelle divine corrélation avec notre actuelle position ! Mmh, bref, ce qui me plait dans les amuse-bouches, c'est cette capacité à se revêtir d'étrange manteau, chapeau et autres artifices pour nous dévoiler une subtilité qui nous ravira et nous entrainera vers la seconde bouchée. Alors... Voyons, voyons... Mmh, cette douceur a le gout du soleil... Mmh... Et cette note... Je ressens le crépitement du sable sous mes pieds et puis vint ce vent épicé aux effluves de Sirocco... Divin ! Je suis sur les bords de l'Ilha deserta de Faro, la chaleur étouffante s'apparente facilement à la couette qui me couvre actuellement. Je laisse, à l'instar d'un serpent en pleine mouvance, mes jambes se délasser et s'agiter entres les draps, comme si j'ondulais entre les vagues délicates de l'océan... Cette entrée en matière est insulaire à souhait !

Là, ne reste qu'à laisser s'écouler, comme un ruisseau s'épanchant sur les plaines environnantes, l'appétence guidant nos utopies de noctambule. Si je vous parle d'épanchement c'est parce que je considère que le monde des rêves est un paysage où chaque particule, chaque ombre, chaque créature peut vous entrainer dans un terrier où vous accompagnerez la petite Alice, pour le meilleur et pour vous retrouver face à un banquet de satyres pétulants et dévoreurs de passions. Ne tiendra qu'à vous de vous laisser tenter par une entrée aux parfums de volupté... Pour ma part, cette entrée me donnera le simulacre de rencontres sur ma plage...Petit à petit mon rêve se tisse...

Ces rencontres intrigantes et parfois dérangeante sont en fait des aromates humaines qui assaisonnent souvent nos rêves. D'une manière évidente, ce sont elles qui apportent le corps au plat, l'âme de fond qui nous remet en question.

Mais ce sont aussi elles qui acheminent méticuleusement le plat principal, l'apothéose, le bouquet garni, le zénith de la saveur à notre festin déliquescent. L'effervescence pétillante nous guide alors à ce met tant attendu. L'histoire en robe des champs, le décor en papillote, la mélodie écumée, les souvenirs en sauce, les projets effilés... Tout est réuni pour se délecter de longues heures durant…

Puis, quand la peau de notre esprit ventral est bien tendue, finaliser cette symphonie d'intrigues gourmandes par une note sucrée, une émulsion édulcorée qui restera en bouche jusqu'au réveil, un after-eight en relique de l'imaginaire dévoré cette nuit... Ne reste plus qu'à digérer ce festin dans un coin de notre mémoire gustative et se laisser porter par l'éveil des sens..

..Mmh..

J'aime me réveiller rassasier. Pas vous ?