J'ai habité près des bambous

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J'ai habité près des bambous. Partout devant moi leur frémissement familier. Depuis l'intérieur même de la maison, je pouvais contempler leur tranquillité. J'ai habité cette maison. Les larges baies vitrées sur le côté glissaient dans un chuintement et la fraîcheur s'invitait alors, ramenait avec elle tous les parfums d'une terre mouillée en ce début de printemps. Les bambous bruissaient humblement, par un souffle léger, une brise, le feuillage doucement caressé. Les oiseaux un peu plus loin pépiaient dans le doux crépitement clair des gouttelettes de pluie. Solitaire la petite source faisait entendre avec insistance son discret et délicat discours, narguant les propos grossiers des jets d'eau presque bruyants sur le bassin aux nénuphars. 

J'ai habité ce refuge de verdure retirée, où à cet instant de suspension, quelques secondes à l'abri dans un frais et vert monastère à ciel ouvert, l'on reste encore un peu, comme ça, debout, à humer un nouvel air.

Et reprendre le cours du temps, en réveillant délicatement le livre assoupi sur la chaise en bois de la véranda.

J'ai habité cette maison, ce jardin. Là-bas le temps passait simplement dans un calme insouciant.

Tout y était simple et confortable. C'est une maison que l'on appréciait chaque jour davantage, goûtant un peu plus le repos du corps, du coeur et de l'âme, qu'elle procurait à ceux qui s'y logeaient. Au creux de ce nid à l'âtre accueillant en hiver,  comme aux fraiches terrasses ombragées d'été, l'être s'y déploie et s'y épanouit au rythme de ses aspirations, des saisons. L'enfant y joue tandis que les pendules tranquillement bercent le coeur joyeux qui le contemple. Les amants y déposent leurs secrets d'alcôve, rallongent les heures chaudes des promesses étreintes. L'âme solitaire y construit son vaisseau et pénètre plus au fond d'elle-même.

Partout le calme. Le calme des grenouilles sous la lune, des libellules, des abeilles autour des fleurs, des neiges aussi parfois, presque muettes de discrétion. Le soleil n'hésite pas non plus à réveiller l'éclat des espaces où l'ombre danse pas à pas, avec la souris et le chat. 

J'ai habité cet endroit. Je me le rappelle parfois.

Une maison, un jardin, de larges baies vitrées, et devant, partout autour, le feuillage des bambous dans un ciel de gaieté.


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