J'ai passé ma vie à réver...

Dominique Capo

Poème mélancolique

J'ai passé ma vie à rêver et je ne l'ai pas vu défiler. Du jour où je suis né au jour où je m'en suis allé, j'ai de tous temps espéré être aimé ou simplement apprécié. J'ai de tous temps souhaité ne pas être mis à l'écart, abandonné, ou oublié. Chaque jour je me suis battu pour montrer que j'existais. J'ai bravé les pires épreuves que ma destinée a pu inventer ; afin de prouver au monde entier que, son attention, je la méritais. Même dans les pires des situations auxquelles j'ai été confronté ; cet espérance ne m'a jamais quittée...  

J'ai passé ma vie à observer des gens qui ne me voyaient jamais. Invisible à leur regard, insouciants et heureux de partager ce qui les faisait vibrer ; ils déambulaient de l'autre coté de cette fenêtre derrière laquelle je me tenais. J'avais beau tenté de susciter leur empathie à mon égard ; ils faisaient comme si de rien n'était. Ils poursuivaient leur chemin sans percevoir les émotions ou les sentiments qu'en moi ils exacerbaient...  

J'ai passé ma vie à pleurer. Pleurer parce que, de cette condition j'en étais le prisonnier. Enchainé à cette solitude et à ce silence qui m'entouraient ; j'ai en permanence mis toutes mes forces a essayer de m'en délivrer. Pourtant, chaque fois que je pensais y être arrivé ; un événement, toujours inédit, toujours surprenant, toujours fortuit, à nouveau m'emprisonnait. Le feu du Ciel, sur moi se déchainait ; il me rappelait que je n'avais aucune possibilité d'échapper à ce destin tourmenté...  

J'ai passé ma vie à me prosterner. On m'a éduqué pour être un homme soumis, obéissant, résigné. A respecter et à honorer la volonté de tous ceux et de toutes celles qui, plus ou moins fugitivement, mon existence la frôlaient. Avant d'en disparaitre ou de la fuir parce que je n'appartenais pas à un système qui les privilégiait. Un système constitué de normes qui, dès que je cherchais à l'intégrer, me brutalisait, me torturait, me blessait, me brisait... Puis m'expédiait avec perte et fracas au sein d'une obscurité que je n'aurai pas dû quitter.

Oui !!! Ce système m'a fait payer cher l'audace et l'outrecuidance dont j'ai été le sujet. J'ai osé le défier ; et il m'a broyé en vérité. En m'indiquant sans cesse que la seule place où l'Humanité voulait me voir être, c'était derrière ma fenêtre, et à uniquement espérer ; ce système auquel elle était agrégée m'a puni de rêver en réalité. Il m'a interdis toute tentative de transformer cette utopie en matérialité.  

Il s'est ri de moi, il s'est moqué de mes vains projets. Lui a été le maitre de ma destinée ; moi je n'ai été que son subordonné. Peu importe, si mon vœu le plus cher a été d'exister, de partager, d'aimer... Peu importe si j'ai aspiré à un peu d'affection, d'attention, de convivialité, d'amitié... Tant pis si j'ai eu soif de liberté... Tant pis si j'ai été affamé ; affamé car mon cœur, mon âme, mon corps, de tout ça, n'a jamais été nourris, il m'a disloqué.  

Alors en effet, j'ai passé ma vie à rêver. J'ai passé ma vie à m'oublier. J'ai passé ma vie à attendre que quelqu'un vienne à ma rencontre et me permette d'exister. Parce que je n'ai jamais sur ce que c'est que d'être heureux, épanoui, serein, détendu, je suis un être inadapté. Rire, être considéré, avoir confiance en soi parce qu'important aux yeux de ceux et celles qu'il a souhaité côtoyer, je n'ai pu que l'imaginer. A travers mes écrits, je n'ai pu qu'imaginer ce à quoi ces sentiments peuvent ressembler. Et j'ai rêvé que quelqu'un - et surtout quelqu'une - m'autorise à passer de l'espoir fourvoyé à la réalité...    

Dominique Capo

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