J'ai retrouvé espoir

cat-tomate

la porte donne sur le jardin et au-delà il y a une fenêtre, suspendue dans le vide. Je m'approche et mes pas feutrés me donnent l'impression que je flotte sur un nuage. Plus je pense enfin que la distance s'amenuise, plus la fenêtre s'éloigne. Il y a pourtant des cris de joies qui poussent au travers. Une grande lumière traverse la vitre et toutes sortes de couleurs puissantes dansent comme dans un kaléidoscope. Je ne me décourage pas et continue de marcher vers la fenêtre car je désire ardemment traverser de son côté.  Il y a des voix qui crient mon nom. Mes yeux fixent les couleurs qui se mélangent et se font l'amour dans une spirale enivrante. Plus besoin de drogue. Pas besoin de drogue. La magie opère d'elle-même et je n'ai aucune idée si je rêve éveillée. Soudain je sens que mes pieds se déposent sur le sol et l'herbe s'écrase sous mes pas. Je gagne quelques mètres vers la fenêtre et à ma grande joie elle ne s'éloigne pas, cette fois. Plus je m'approche et plus les rires et les cris s'intensifient. J'entends maintenant de la musique et les chaudes rythmiques d'un djembé. Je m'imagine tous plein de corps qui dansent se fondant l'un dans l'autre et connectant leurs lumières spirituelles. C'est la célébration de la vie et du paradis il me semble. Les corps s'arrachent à l'un pour se tourner vers l'autre et tout se fait si naturellement et sans éclaboussure. Une ivresse me gagne car j'observe que la fenêtre ne s'éloigne vraiment plus de moi. Plus je m'approche et plus les couleurs qui n'avaient pas de formes auparavant révèlent des âmes et des fleurs, des arbres qui s'inter-connectent au rythme des sons qui fusent de tous les instruments du monde. Il y a des raisins et des pêches et je crois même discerner des animaux. Une intense chaleur se répand dans l'ensemble de mon corps et je ne sais dire pourquoi mais je m'oblige à faire une pause. Je me fixe au sol et ferme les yeux pour ressentir les sensations dans mon corps. Une grande paix me gagne. Je sais que j'ai toujours voulu retrouver cette paix et mon pèlerinage intensif gardait la distance entre cette étrangement douce fenêtre et moi. C'était un voyage mené à l'errance puisque j'évitais clairement la véritable destination: moi.

J'entends une voix crier mon nom.
Puis deux, puis trois et maintenant toute la musique se met à tournoyer de façon psychédélique et me réclame de l'autre côté de la fenêtre. La fête semble vraiment bonne et je veux y participer. Alors que je m'apprête à lever un pied je ressens un poids qui m'empêche de le faire. J'ouvre les yeux et remarque que j'ai d'immenses racines qui ont poussé sous la plante et s'enfoncent jusque je ne sais où dans la Terre. Je pousse un éclat de rire immense et tonitruant. Puissant. Tout autour de moi vibre et plus je ris, plus les choses se mettent à trembler et les contours de mon propre univers entament une danse, un drôle de flou gagnent les espaces et les couleurs alors s'entrechoquent et se rencontrent, dansent lascivement l'une contre l'autre et flirtent entre elles. Tout est très naturel et je remarque que mon propre corps perds de sa définition. Mes racines alors s'enfoncent plus profondément dans la Terre et je sens que mon rire les propulse plus profondément, mon rire agit comme un cœur pompe ses artères. Et je me sens si bien. La fenêtre vibre très fort et je ne suis pas certaine s'il y a seulement autre chose qu'un cadre qui tient en l'air, attendant qu'on le ramasse et le dépose au sol. Alors le cadre se met à fondre lui aussi et je devine que le bois se met à pousser dans tous les sens et je vois alors de toutes petites branches émerger de ses nœuds. Des branches d'autres branches émergent alors toutes plus fines que les précédentes mais le manège renforcie les premières qui prennent de l'assurance et poussent plus fort, plus loin. Des racines émergent et se rendent finalement au sol, et je vois la fenêtre se transformer finalement en un arbre magnifique aux bourgeons délicieusement verts. De minuscules fleurs apparaissent au bout des bourgeons et percent la coquille qui les protégeait. Elles aussi prennent de plus en plus d'assurance et le petit arbre devient alors un magnifique pommier aux fleurs endiablées qui se pavanent de toute leur ardeur vibrante et laissent un parfum doux et succombant me remplir tout le corps. Il n'y a plus aucune fenêtre devant moi mais un arbre magnifique et je jure que je suis alors la réflexion de cet arbre magnifique. Mes cheveux sont devenues des fleurs multicolores et mon corps est une écorce profonde bâtie sur la sagesse des années et d'un voyage, certes vain, mais avec beaucoup d'apprentissages. Et je me sens fière d'observer cet arbre devant moi et de me deviner dans ses courbes et ses contours. Le travail de la nature me touche et mon coeur pulse mes racines plus profondément encore. Je goûte le bonheur d'être ici, dans ce monde.
Alors je sens une main caresser mon écorce, puis deux, puis trois, et bientôt ce sont comme des vagues qui déposent des douceurs et des tendresses le long de mon corps et je réalise que j'ai traversé la fenêtre. Qu'il n'y a vraiment plus de fenêtre. La musique est profonde et me traverse, résonne jusque dans mes plus intimes fondations. Je sens les corps autour et je sens le Soleil et la Lune en même temps, je vois le jour et je vois la nuit, je vois les couleurs et je vois le noir profond de sous la terre, et je me sens vraiment à la maison. Je suis revenue chez moi. Il n'y a plus de mots alors qui servent vraiment ce que je ressens. Ni ce qui se passe dans mon cœur. Où les espoirs et les peurs se mélangent et donnent naissance à la foi. La certitude que que le bonheur est là. Qu'il y aura demain. Que les arbres émergent tous des trous. Que le cœur se guéri. Que les anges sont là. Que j'existe et que je suis ici.
Ce texte émerge de mon coeur. J'ai retrouvé espoir.

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