J'ai vu

Christian Le Meur

J'ai vu

Par un jour d'humanité en berne

Une caissière de supermarché hurler sur une veille dame désorientée

          Elle avait juste oublié de mettre son masque

J'ai vu

Des larmes couler sur les joues de cette femme

Coupable d' errer dans ce quotidien

                                           Devenu hostile

J'ai vu

Accrochés à leurs caddies bien garnis

Des consommateurs sans visage garder le silence.



J'ai surpris

Un entraîneur de football

Expulser sans ménagement , deux non-vaccinés de quatorze ans

Les laissant désemparés à la porte des vestiaires

J'ai surpris

Cette équipe assainie

                                          Recomposée

Courir fraternellement vers la victoire


Chassant la déraison ambiante

J'ai refusé de considérer

Ce chaleureux soleil de printemps

                Qui m' invitait à le rejoindre dans le monde réel


Incarcéré derrière un vitrage de culpabilité aliénante

J'ai refusé d'écouter le silence contraint

De ces enfants éduqués dans la peur

                Et privés de leur droit d'insouciance



J'ai entendu

Alors que je manifestais pacifiquement

De bons citoyens nous traiter d'assassins

J'ai entendu

                                           Soir après soir

Le narratif officiel obscurcir l'espoir

Jusqu'à ce que le temps se fige

                                           Le bon sens se délite

Exhibant, sur l'esplanade de l'intolérance ordinaire, des boucs émissaires désignés



Parce que je voulais comprendre

J'ai délaissé le monde obscur des discours

Dans les poubelles du cynisme ambiant

J'ai jeté leurs injonctions délirantes

                                   Leurs mensonges déconcertants

Tel un clandestin sur le chemin de la beauté et de la liberté

       J'ai repris le cours de mon existence

                                    Là où ils nous l'avaient confisqué.

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