Janny R.
lanimelle
Janny R.
Je suis janny, petite fille de la société, j’ai été parachuté un soir d’octobre, il n’y avait pas grand-chose, il n’y avait même rien autour de moi, ni nom, ni accueil.
Plus tard on m’a donné des trucs, il parait que ca s’appelle l’identité, on passe partout avec un nom et un prénom, on arrive même à être « plus » disent les AS.
Mais les AS n’ont rien pu faire pour moi!
Je suis janny, j’ai inventé un surnom, j’ai commandé une ligne et puis j’ai même acheté un petit gun, il parait que c’est mieux, il parait qu’il le faut.
J’ai créé un site, j’ai mis des photos, j’ai pas de revenu, j’ai juste mon cul.
Il parait que je play avec la peau de mes 20 ans, il parait que je fais bander les hommes avec des bas sur mes jambes.
J’ai réussi à obtenir des diplômes mais maintenant on me parle d’expérience alors j’ai un 06 qui sonne et puis j’y vais.
C’est pas compliqué la survie, il y a du taf pour les anonymes, il y a du taf pour les peaux frêles qui ont besoin de manger.
Je suis SDF mais j’ai un hôtel qui m’accepte, il me file la piaule la plus miteuse mais c’est pas grave, je souris au gars et puis ca lui vas, des fois il en veut plus alors je dis « non », la passe pour pas un rond c’est pas du gâteau, ca passe pas assez vite et puis ca fait croire en l’amour.
J’aime pas qu’on me caresse, j’aime pas qu’on fasse semblant, j’aime pas les gens qui payent pour que je casse la croute de la société, pour que j’y passe au travers, pour que je me dilue dans les statistiques.
C’était dure la première fois, quand on m’a dit « je t’aime » et puis que j’y ai cru, maintenant ca vas, maintenant que je n’y crois plus, je suis costaud, j’ai les épaules solides, parfois je parle, bien sur pas de moi, parfois j’invente et tisse un personnage avec mes rêves et puis aussi pour que ca plaise, mon site c’est « apocalypsebb », tout est codé, seuls les initiés peuvent me trouver, je n’existe que sur une page, je me suis inventée, pixellisé en mille éclats.
Beaucoup d’hommes se présentent, laissent des messages, je sais faire aussi la conversation, mais ce sont les riches qui demandent ca, comme si l’argent rendait moins con, je suis de peau mais aussi de cervelle.
Je suis un site, une femme, j’existe et à la fois je ne représente aucune classe, sur les trottoirs, on t’arrête, on multiplie les demandes de papiers, ici, dans l’espace impalpable, j’existe.
Je suis le phantasme, la psychiatre docile qui autorise les perversions, je soulève les sens, je paralyse les tabous et avale ma salive quand tout est hard et cuir mais aussi quand les plus pauvres me parlent de leur femme et que je les trouve tristes, quand je dois rosser le petit cul du chef d’entreprise qui est en première page du journal local.
Je suis du net, un tissus de mensonge aux photos provocantes, vendre, se vendre, jusqu’à la dernière goutte d’urine que je dépose sur la lèvre du gars qui a déposé la liasse.
Le net c’est pas net, c’est de la contrefaçon de la vie réelle, je fais rêver avec des mots en orbite sur les âmes solitaires ou sur les hommes adultères.
Je pourrai raconter comment tout ca à commencé, je croyais qu’il m’aimait, je croyais qu’il me protègerai, j’étais trop belle disait il, il fallait me partager.
Je suis janny, j’ai eu 1000 amis sur mon FB, je suis célèbre, je suis connue, dans le milieu on m’appelle la jeunette, la fille qui s’en sortira, celle qui finira pas comme ca, celle qui s’arrêtera pas là.
Je signe janny à la fin de chaque mail, ils n’ont pas de prénom, même pas de surnom, ils parlent de tarif pendant que je me recoiffe les tifs.
Oui je sors, à n’importe quelle heure, du jour ou de la nuit, dans les soirées j’aime bien aller, pas forcément dans les orgies, souvent c’est juste pour mettre des paillettes et pour rire avant d’aller au pieu, parfois ca se fini sous une porte cochère, et oui quand ils ont envie des fois il n‘y a pas assez de temps pour trouver un lit.
Il est 7h du mat je rentre à l’hôtel, c’est humide et ca pu, cette nuit j’étais dans des draps de soie, on m’a payé pour dire « je t’aime », on m’a payé aussi pour écouter, j’ai pris un bain pendant qu’il dormait, je sentais les huiles essentielles m’envelopper, je sentais le luxe me protéger, c’était bon de baigner dedans, de prendre l’instant comme un repas dans un bon restaurant gastronomique, choisir le menu dégustation et puis dire merci quand on tire la chaise pour que je puisse poser mon cul, mon cul, mon ami, celui qui m’a conduit ici, sans ca j’aurai jamais gouter aux sels de bain, jamais gouter aux assiettes décorées.
Personne ne le sait que j’ai 20 ans, il y en a qui me dise que j’en fais plus, parce que je me maquille, parce que je porte des perruques parce que dans ma tête j’ai déjà vécu le pire.
Je suis janny, femme parmi les petites filles, j’ai des diplômes qui me servent à rien et puis je fais un boulot qui n’existe pas, bientôt j’aurai le RSA, peut être que je pourrai alors quitter mes faux ongles et partir pour la province, ici ca fait trop longtemps que j’y suis, ici on ne m’appelle que « janny ».
L’animelle
je suis d'ac avec toi, tendresse et compation pour elles!!
· Il y a presque 13 ans ·l'animelle
lanimelle
Ce n'était pas pour comparer mais cela m'a rappelé ce film que l'on nous repasse souvent comme un conte alors que la réalité est tout autre!
· Il y a presque 13 ans ·Merci pour ces filles qui mériteraient tendresse et compation. Nicole
nilo
merci nilo, j'avais pas pensé à la pretty woman, janny c'est juste une fille de france parmi tant d'autre.
· Il y a presque 13 ans ·l'animelle
lanimelle
Belle et émouvante nouvelle à la "Pretty Woman" Tu écris bien l'animelle et sais toucher les coeurs sensibles. CDC
· Il y a presque 13 ans ·nilo