Je

leeman

Prolongée par un effroi inévitable, mon angoisse du monde est certaine. J'ai le vertige ; vertige du monde et de moi-même. Je suis mon paradoxe en ce que je crains ce que je suis comme ce que je ne suis pas. Je suis ma propre différence, ma propre éternité dans chaque acte que mon corps accomplit, ou que ma conscience remplit. Je suis un "trop" dans un monde comblé d'un rien, d'un mouvement sans aucune ressemblance avec ce que je suis : rien. J'aime voguer à la recherche d'un temps mien, d'un espace dans lequel je me sentirais moi ; j'aime aspirer à la vie, pour lutter contre mes démons, pour fuir la mort alors qu'elle ne fait que fermer la marche quand la vie devient muette. Je suis ce "je", criblé de doutes impossibles à supprimer. Je suis ce corps las qui s'élance chaque instant dans chaque espace qui l'entoure. Ou quand l'espace devient trop étroit, ce "je" se renferme et s'assassine ; ou quand l'espace devient trop large, ce "je" se perd et s'effondre comme les ruines. Je suis ce "je" perpétuellement dans la recherche, perdu dans les souvenirs du passé, dans la conscience du présent et l'appréhension de l'avenir. Ce "je" qui n'est rien mais qui est tout en même temps, comme une soustraction de moi et une addition de tout mon être. On n'y trouvera rien de plus que des peines corrélées à des joies ; du bien-être corrélé à du regret. Je suis un "je" sans sérénité, coincé entre les limites de la confiance et de la méfiance. Un "je" qui se cherche constamment, et qui remet toujours en doute ses propres capacités ; un "je" qui se joue de lui-même, qui se moque de sa propre personne et qui la méprise de temps à autres. Un "je" qui se regarde dans le miroir sans s'aimer, qui ne sait que se haïr. Qui ne renvoie qu'une image négative, perdue, révolue. Une image du passé, disparu, regretté. Je ne suis qu'un "je" qui ne se connaît pas.

  • Un "Je" modeste et plutôt réfléchis qui est aux antipodes de ces portraits selfièsques qui inondent un certain monde parallèle :o) Cela fait, même si c'est un brin négatif, du bien à lire.

    · Il y a plus de 6 ans ·
    Gaston

    daniel-m

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