« Je, Il, Nous, Plus Rien. »

C'était fait de regards et de sourires en coin. De quelques mots cinglants, de grimaces, de railleries, de méchanceté, parfois. C'était bas. Et pourtant c'était de l'adrénaline qui coulait dans nos veines. On se piquait, on répondait, on s'ignorait, et on médisait dès que l'autre avait le dos tourné. C'était fait de regards et de sourires en coin. On ne se parlait pas, ou du moins rarement en face, on ne se connaissait pas, ou du moins pas officiellement. On racontait des choses, préjugés ou simples vengeances, les rumeurs qu'on lançait avaient juste pour but d'amuser la galerie. Et puis, de provoquer l'autre aussi. Juste pour voir ... Ce qu'il dira ? On ne s'appréciait pas et puis, on s'en foutait pas mal. C'était fait de regards et de sourires en coin. Des yeux qui ne disaient pas grands choses, quand nos lèvres remuaient et se taquinaient. L'un en face de l'autre, on n'était plus grand chose. Timides, provocants, et surtout très gênés. Mais qu'est-ce que je pourrais bien dire, pour combler ce blanc pesant ? « T'as mérité d'avoir cette sale gueule. - T'as mérité d'être aussi con. » Et puis, plus tard, dans sa tête, il pense « Elle est tellement jolie » et moi, plus tard, dans ma tête, je pense « Il est pourtant brillant ». Et on s'arrête là. C'était fait de regards et de sourires en coin. On s'observe, on se croise, on joue et un beau jour, on s'en va et du coup, on ne se voit plus et on ne parle plus et on ne taquine plus et on ne médit plus et on ne s'embête plus et on ne se chamaille plus et on ne s'insulte plus et d'un seul coup on se dit : Mais je l'aime ! Et puis on revient, un an, deux ans plus tard. On dit qu'on prend des nouvelles, au nom de l'amitié. Et on se rend compte qu'on n'était pas vraiment amis, mais ça fait tellement plaisir qu'on le dit quand même. On ne s'appréciait même pas. C'était fait de regards et de sourires en coin. Jusqu'à ce qu'on s'éloigne que ce ne soit plus rien.