JE ME SUIS FAIT

René Kalfon

Une émission sur le corps des femmes.

On démarre avec l'interruption volontaire de grossesse. Témoignages.

La toute première à témoigner a dit : « Je me suis fait avorter. »

Cette expression a eu sur un moi un tel effet que, deux ou trois secondes après, je me suis fait la remarque suivante.

« Les faits sont là : l'effet que l'expression « je me suis fait » a eu et a encore sur mon esprit, les mots « J'ai avorté » ne l'avaient jamais eu. »

Et pendant ce temps-là, un homme dit quelque part : « Je me suis fait avoir » et une femme dit: « Je me suis fait une couleur noire » et un homme dit : « Je me suis fait cette femme ».

Et le même homme disait hier, de lui très fier : « Je me suis fait tout seul. »

Quelques étages plus bas, le locataire, un homme très solitaire, se dit : « Je vais me faire un bon repas. »

Et pendant ce temps-là, me vient l'idée qu'avant de faire une chose telle qu'un avortement, il faut se faire à l'idée de cette chose, il faut se faire à l'idée de la faire. »

Alors me vient d'une chanson le refrain. Et je me mets dans le juke-box de ma mémoire : « Je m'suis fait tout p'tit. »

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