Je n'ai jamais réeussi à écrire dans les flaques

evinrud

Quoi que l'on fasse, le dimanche reste un jour particulier. Entre léthargie et étirement du temps. Le dimanche est un jour blanc. A servir avec des gâteaux au beurre, qui n'existent que le dimanche .Seulement, le but de ce jour qui n'existe qu'à moitié est de trouver l'activité adaptée. Et comme on ne peut pas s'envoler avec un manche à balai, je décide de quitter la cuisine. Mes enfants sont chez la voisine et ma compagne boit un thé au goût d'ennui passager chez ses copines. Je suis donc seul a errer dans mes pensées, et dans ma maison, sans secrets. Je ferme la porte de la cuisine, me dirige vers la télé, lui fait un pied de nez, et monte au grenier .Voila l'endroit idéal ou je peux tout trouver, tout ressasser, brasser pour m'occuper et faire ressurgir mes allergies à la vieillerie. Je me frotte les mains en grimpant les marches, le grenier sauve ma journée, j'aurais du y penser avant. Pièce négligée, elle contient comme toutes les maisons les banalité du passé. Celles qu'on aime encore mais qu'on ne veut pas imposer à la vue. Photos, vinyles, montagnes de vêtements, cartons de souvenirs faciles d'accès. Ne voulant pas entreprendre un désordre trop conséquent, je fais jouer mes doigts sur les textiles usés et me régale de l'odeur des combles de ma mémoire. J'emplis mes poumons du confortable arôme de ce que j'ai accomplit et qui aujourd'hui s'inscrit dans un espace qui m'est réservé, une projection de ce que ma tête ne veut pas contenir pour ainsi pouvoir mieux avancer.

Me voici, à présent confronté à tout ce que j'ai fait ou pensé, rien ici ne m'est étranger. Je balaye du regard, cette pièce, coffret d'un monde retiré. Mes yeux se posent sur une malle qui appartenait à ma grand-mère. « Femme à la vie trouble que tout le monde a oublié, trop retiré de la famille et symbole même de la conduite à ne pas suivre. Renfermée, à l'humeur mauvaise, une bonne femme sans intérêt qui n'a connu aucune passion », c'est ce que les autres disaient d'elle .

Je m'assois devant le coffre qui fait surgir mes souvenirs.

Elle m'a aimé, puis est morte d'une chute dans sa salle de bains alors que je venais d'obtenir mon baccalauréat. Une figure de mon enfance, partie trop vite et que je n'ai pas appris à connaître, me contentant de l'amour qu'elle me donnait. Une vraie grand-mère qui vous fait aimer la naphtaline et la chicorée. Une grand-mère dans son rôle de grand-mère qui se déterrait un sourire crissant pour les anniversaires. Content de pouvoir garder une si jolie grand-mère en tête, j'installe ce souvenir et m'apprête à remettre en marche mon tourne disque pour ressusciter Ray Charles et verser une larme en l'honneur de ceux qui ont disparu. C'est à ce moment que je me rappelle que ma tendre mamie s'amusait à conserver mes médailles dans une boîte de bêtises de Cambrai. Je soulève alors le couvercle usé de la malle et découvre ce que la famille a gardé de sa vie. Des bijoux, rubans et dentelles en pagaille, des boîtes en fer, dont celle qui m'intéressait et une autre en carton qui devrait contenir des escarpins. Je m'en souviens, des chaussures beiges, pour une dame aux grand-pieds. Je souris et pense à ma fille, qui s'amusera à son retour à arpenter le salon avec des chaussures trop grandes, trop vieilles, une scène grotesque et tendre à la fois et que je brûle de voir.

Je saisis la boite effritée et sans l'ouvrir, je la porte au salon, pour que la lumière du dimanche soit témoin de mon acte. L'introduction de cette boite ne dérange aucun des meubles. Je continue mon office. A l'ouverture du carton, qui prend des allures d'écrin dans mon esprit excité, je surprends un amas de petites affaires. D'abord peu intéressé, et déçu comme un enfant avec trop d'imagination. Je délaisse le trésor et jette mon regard avide d'émotions sur la rue, que la fenêtre révèle .

  • Une rivière de diamants par ci, un grenier plein de trésors par là. Une vie pleine de surprises oubliées... ça me rappelle un certain texte dont je recolle les fragments épars comme les perles du fameux bijou (caillou, chou, genou, bisou)

    · Il y a plus de 13 ans ·
    Photo 979  orig

    lya

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