Je passe devant depuis ma naissance, ma mère y passait devant depuis la sienne.

lea_ddurand

Lorsque un endroit rime avec chez soi

La plus belle rencontre que l'on peut faire avec la nature ce n'est pas forcément celle qui est inattendue, celle qui est spectaculaire mais parfois seulement qui est familière.

Je ne me suis jamais sentie chez moi, peu importe l'endroit ou je me trouvais. Pourtant un jour au détour d'une rue je l'ai senti. Cette odeur m'a tout simplement enivrée, je me suis arrêtée nette, je humais ce doux parfum de chaleur et de bonheur. Sans savoir ce qui se passait j'étais transportée, comme droguais j'avais tout oublié et je voulais encore pouvoir sentir pour essayer de me souvenir.
J'ai alors commencé mes recherches ou avais-je pu vivre auparavant, à quel endroit cette fragrance se trouvait ?

je devais y retourner.
C'est en y passant devant deux mois après, que la révélation m'est apparue. Cette crique, qui longe la côte, celle en dessous de la maison, cet endroit secret en Corse.

Sans hésiter j'ai couru à travers les herbes sèches pour me retrouver dans cette atmosphère de flottement.

J'y étais, après une grande inhalation mes épaules se détendaient, mon coeur se calmait. J'ai vu cet endroit pour la première fois, tous ces éléments qui ne bougeaient pas depuis des décennies m'appartenaient enfin.

Ce rocher brillant au soleil duquel nous sautions quand nous étions enfants, le petit bassin sur la droite où l'eau y est brûlante, la petite grotte ombragée pour faire la sieste. L'eau transparente laissait apparaître le reflet des montagnes et offraient une vision sur les poissons argentés qui se baladent paisiblement entre les algues et le sable blanc. 

Je me suis allongée, j'ai regardé le soleil rose se coucher et j'ai écouté.
Le bruit des vaguelettes se cassaient contre la côte, celles qui viennent mourir sur le sable épais et repartir aussi vite, le bruit du vent dans le maquis. J'ai même pu entendre mes parents nous suppliaient de venir à l'ombre ou au moins de mettre un chapeau, j'ai entendu ma soeur rire aux éclats quand j'ai déposé le minuscule crabe sur sa serviette.

Cette odeur, ces bruits, ces images, j'avais enfin compris. C'est là que le temps s'arrête, c'est ici que la vie est si spéciale, une parenthèse de bonheur comme si on suspendait nos vies pour nous permettre de profiter de chaque minute dans cette cachète.
Ce lieu n'est sans doute pas si magique, mais la joie qu'il m'a procuré a fait que je ne pourrais jamais m'en séparer.

Comme l'a fait Proust avec une certaine « Madeleine », mes souvenirs à moi me permettent de me sentir chez moi, mais le plus important de me sentir bien. Si l'on ne sait pas d'ou l'on vient on ne peut pas être en accord avec soi.

Cette mémoire olfactive et visuelle m'inspirent au quotidien pour construire ma vie et mes projets. Je sais que quelque part j'ai ma place et je n'ai pas peur de prendre mon envol ailleurs, de faire mes expériences grâce à ce lieu qui représente la sécurité affective.

Il faut parfois s'éloigner de chez soi, pour comprendre d'ou l'on vient.

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