Quand une pub fait le buzz en s'inspirant d'un film méconnu du grand public.

lee-mace

Derrière un gros coup marketing se cache une jolie découverte.

     Il y a quelques jours, une vidéo faisait parler d'elle sur la toile. "First Kiss" présentait dix couples d'inconnus qui se découvrent pour la première fois avant de s'embrasser timidement, puis goulument. Les sourires gênés de la première rencontre, le rapprochement progressif des corps et une certaine bestialité dévoilée crescendo : c'était attendrissant, drôle, émouvant, sincère. Tout y était savamment orchestré pour séduire le plus grand nombre d'idéalistes - moi comprise - et la vidéo s'est propagée en un rien de temps.

http://www.youtube.com/watch?v=IpbDHxCV29A


Faire le buzz : un coup marketing ?


     Le lendemain de la mise en ligne, on nous révélait la supercherie. On s'est fait avoir comme des bleus. Ces gens qui s'embrassent sont en réalité mannequins ou acteurs, un vulgaire prétexte pour une publicité de vêtements. Soit. Qu'il est beau notre siècle de faux-semblants ! Il est vrai qu'au second visionnage, en y regardant de plus près, tout cela sonne faux. Ces individus sont tous beaux, bien habillés, et les baisers bien trop parfaits. Le tout bercé par une petite chansonnette à la voix suave : on assiste à une belle mise en scène aseptisée. L'effet est très réussi, c'est une jolie publicité - trompeuse par définition - dont on se souviendra longtemps.


Attitudes sincères ou jouées ?


     La créatrice de la marque de vêtements, Melissa Coker, se défend en affirmant que les acteurs se sont réellement découverts le jour du tournage, ce qui prouve l'authenticité de leur réaction avant, pendant et après le baiser : "On savait qui allait embrasser qui, on avait une liste, mais les gens ne le savaient pas, ils ne pouvaient pas googler l'autre, ni rien". C'est là où le bas blesse : la publicité n'est pas totalement assumée, elle ne se revendique pas uniquement en tant que telle, mais comme un vrai projet expérimental artistique. Dans ce cas, pourquoi et dans quel but avoir pris le parti de recruter des acteurs pour sa réalisation ?

Vous conviendrez comme moi qu'être payé pour embrasser un inconnu avec fougue, embarras, ou tendresse convient davantage au quotidien d'un comédien qu'à celui de madame Dupont. En d'autres termes, la "rencontre surprise" ne devrait pas avoir le même impact sur l'acteur rôdé - probablement contraint par certaines consignes - que sur la ménagère rêveuse, la brillante étudiante en droit ou le businessman lubrique. Ainsi, même sans avoir préalablement pris connaissance de l'identité de leur partenaire,  il me semble que leur spontanéité - en tant qu'interprètes bien informés sur la marche à suivre - reste plus que contestable.

Il y a effectivement tromperie sur la marchandise initiale, à savoir des personnes lambdas qui s'embrassent sans enjeu marketing, tout bêtement.


Un concept déjà traité : Hommage ou plagiat ?


     La mascarade ne s'arrête pas là. En 1990, la réalisatrice Pascale Ferran (L'Age des Possibles, Lady Chatterley) initiait ce même concept dans son court de sept minutes, "Le Baiser" : des étrangers, des bisous, de la gêne. Visiblement, il ne s'agit pas d'une publicité impliquant des comédiens, mais d'art pur et dur où la sincérité et le naturel transparaissent davantage que chez sa vendue de petite soeur.

https://www.youtube.com/watch?v=W7rm9B-YpE4#t=176


Tout l'intérêt est là. On contemple des monsieurs et madames Tout-le-monde parfois beaux, parfois laids, ou simplement quelconques ; une brochette de gens ordinaires, comme vos amis ou vos grands parents. Les sourires sont nerveux et les approches souvent maladroites, mais rien d'excessif ou de surjoué. Enfin - le plus important - les baisers sont criants de vérité : tantôt ratés, tantôt timides, tantôt passionnés. A l'oreille aucun artifice, vous ne pourrez distinguer que d'humides bruitages buccaux ou le grésillement mélancolique d'une bande VHS usée.

Là, on est dans le vrai. D'ailleurs, même si ce n'était pas le cas on ne voudrait pas le savoir : à quoi bon ? La magie du film réside dans l'intime conviction qu'a tout bon spectateur de son authentique beauté. On y croit, pas besoin de chercher plus loin.


L'oeuvre originale mise en lumière.


     Pour reprendre les mots de Slate.com, la pub "colporte le fantasme selon lequel quelque chose de beau peut jaillir d'une rencontre inattendue entre deux personnes qui ne se connaissent pas. Mais ce qu'elle nous montre vraiment, c'est la beauté de mannequins en train de s'embrasser". Et si c'était le film de Pascale Ferran qui propageait véritablement ce fantasme ? C'est justement mon avis, et derrière le matraquage de ce fake marketing émerge un pur petit bijoux qui n'a pas pris un seul grain poussière : le véritable "premier baiser".


     Si le désormais très célèbre spot publicitaire lui rend hommage, je dis bravo. Pourtant, on ne retrouve aucun remerciement ou clin d'oeil dans le générique. La version originale aurait sans doute mérité une plus belle ovation. A méditer...


  • Lorsqu'une publicité devient virale en s'inspirant d'un film peu connu du grand public, cela peut être surprenant. En effet, il peut sembler difficile de créer un buzz en utilisant une référence peu répandue. Cependant, cela peut également être un moyen efficace de se démarquer de la concurrence et d'attirer l'attention des consommateurs curieux.

    Si la publicité réussit à créer une connexion émotionnelle avec les spectateurs en utilisant des éléments du film, elle peut susciter leur intérêt et les inciter à en savoir plus sur l'histoire originale. Cela peut même conduire à une augmentation de la popularité du film en question, en le faisant découvrir à un nouveau public.

    En somme, l'utilisation d'une référence peu connue peut être un risque, mais peut également s'avérer payante en termes de notoriété et d'impact sur le public.

    · Il y a presque 2 ans ·
    Default user

    Digital Team

  • Merci pour cet article. On l'a commenté avec des copains. J'avais trouvé cela vraiment intéressant. Très sensuel pour certains. Je suis dégoutée!

    · Il y a presque 11 ans ·
    Corbis 42 24047422

    Cleo Ballatore

  • on nous cache tout on nous dit rien;;;on est bien peu de choses et la pub qui vampirise l'art. édifiant et informatif. nickel

    · Il y a presque 11 ans ·
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    Christophe Paris

    • "La pub qui vampirise l'art", ça aurait fait un très bon titre! Merci du compliment :)

      · Il y a presque 11 ans ·
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      lee-mace

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