Je suis content d'avoir été animateur.

J'ai dédié 15 ans à l'animation. Pour le CV, ça vaut pas un clou. Mais comme je n'ai jamais été fait pour me vendre et travailler en entreprise, je ne regrette rien. Les colos, les camps, les centres sport études, sans compter les stages BAFA, ou quand je suis devenu formateur, c'est les vacances, payées en plus, le délire permanent et surtout les filles sans se forcer.

C'est quand on a un vrai boulot et que les ennuis commencent qu'on se dit que d'avoir prolongé les années d'insouciance n'a pas été une erreur.

Au commencement, il y a eu les colos traditionnelles, comme celles que j'avais connues étant môme. Je n'étais pas dépaysé et c'est moi qui faisait le bateleur cette fois. Mes spécialités : les grands jeux pour les plus grands, qui duraient toute l'après midi, et tout ce qui tournait autour du spectacle (théâtre, chansons, opéra comiques ou autres). J'aurais pu faire dans l'événementiel. En fait, je n'ai jamais su ce qui m'aurait convenu.

Éternel recommencement, l'équipe des débuts restaient de l'Ancien Régime, une Directrice d'école, son mari et le curé. Je connaissais tout ça par cœur mais j'avais un peu vécu entre temps. Fini le temps où je pleurais parce que je n'avais pas eu la promesse. J'avais connu le lycée public et pas mal de transgressions.

Mon éducation restait une force qui m'empêchait de faire n'importe quoi, mais j'avais pris assez de recul pour ne plus culpabiliser pour un oui pour un non.

A ce propos, j'avais optimisé (dit-on aujourd'hui) ou plutôt sublimé mes talents de marionnettiste. A l'époque, on allait voir les spectacles de Font et Val, le choc des cultures, ou des civilisations.

Bon j'avais occupé quelques soirées à reproduire le trio avec une certaine ressemblance dans la caricature. Au 5ème repas, bien connu des animateurs, je refaisais les réunions avec mes 3 marionnettes, ce qui m'a valu pas mal de succès avec les monitrices.En fait, je n'avais plus qu'à choisir. Je ne me suis pas fait prier.

Une fois, le curé, fin limier et toujours là où on ne l'attendait pas, nous avait surpris dans des ébats peu catholiques. On avait été officiellement convoqué par le trio qui nous avait menacé de prévenir nos parents.

Le spectacle de marionnettes avait été particulièrement réussi ce soir là.

Comme je l'ai déjà dit, c'était le club Med, et en plus on touchait un salaire. Pour nous les choses sérieuses commençaient quand on avait enfin calmé les gamins dans les dortoirs.

Une fois, un mono (on disait encore mono à la Pierre Perret et pas animateur, mais on était tout sauf les fachos de sa chanson), bon le mono donc me menaçait en pleine nuit avec une bombe à incendie. J'ai été rapide et je lui ai arraché le tuyau des mains. Cet abruti courait avec la bombe pendant que je l'aspergeais copieusement avec la mousse. Bon il était sympa quand même mais pas très malin.

Une autre nuit, on s'était glissé dans le carré des monitrices avec un bol de mercurochrome. Les squaws ont eu droit aux peintures de guerre.

Bon, elles nous ont un peu fait la gueule le lendemain, mais ça n'a pas duré. Comme nous, elle étaient au paradis.

C'est pourquoi les gamins étaient jaloux et le faisaient savoir. Les parents avaient payé pour qu'ils s'amusent après tout. Bon, le message était passé et on les a un peu entraînés dans nos délires. Il faut dire qu'eux aussi subissait le trio infernal, c'était le dénominateur commun, et l'activisme commençait à battre de l'aile.

On approchait de la fin de la période glacière, peu d'années nous séparaient des camps à dominantes où l'on était plus exigeants sur la qualité des activités et où l'on revendiquait enfin le droit d'être autonome ou de ne rien faire.

J'en avais vécu un. Un modèle du genre. L'intendance rejoignait le groupe pour un repas solide le soir. Mais, on allait à l'aventure et on cherchait tout seuls un endroit où dormir. La plupart du temps, on faisait des nuits blanches, dans le foin ou dans un champ. Aucune activité n'était programmée.