Je suis née deux fois.La première, il y a bientôt 50 ans.Aucun souvenir, juste les recits de ma mère.Les détails scabreux de sa grossesse non désirée, ses efforts pour me faire disparaître, au volant de sa 2CV, sur les routes pavées du Nord.Peine perdue, je suis devenue la sœur du fils vénéré, la fille d'un père qui n'avait de présence que son corps silencieux, et d'une mère qui m'abreuvait de la même haine et des mêmes coups que ceux dont elle avait été nourrie, triste répétition.J'ai vécu 45 ans sous son emprise, croyant pourtant m'en etre libérée le jour où j'ai décroché mon premier boulot d'informaticienne, celui de mon mariage, ceux de la naissance de mes trois enfants.Mais elle était toujours là, tapie à l'intérieur de moi, attisant de sa présence invisible un feu de tristesse et de colère qui me brûlait de l'intérieur.Mon père, lui, a fini sa vie qu'il n'avait pas commencée, emporté trop tôt par une tumeur au cerveau.Jusqu'à ce jour de 2007 où la maladie s'est réveillée, a voulu, elle aussi, me pousser vers la mort, devenue à mes yeux la seule solution à une vie insupportable et incompréhensible.Elle a resisté plus de deux ans, combattue par une multitude de pilules roses et bleues, des hospitalisations à répétition, la bienveillance de ma psy.Tentative de meurtre échouée, la maladie a rejoint le clan maternel des vaincus.Moi, j'avais gagné, mais je ne voulais plus rejouer au même jeu, j'allais changer les règles.Le 26 juin 2010, j'ai sauté en parachute, posé la seconde fois les pieds sur la terre qui cette fois, allait m'accueillir au lieu de me maudire.Depuis, je vis. Je me suis formée aux relations humaines, j'ai découvert mes passions pour l'ecriture, la peinture, le clown de théâtre dont j'ai fait mon nouveau métier.Je suis née deux fois, c'est une chance.J'ai à la fois bientôt 50 ans et à peine 3 ans. Délicieux mélange.Je suis née deux fois, je m'appelle Syl-Vie.