Je suis vide.

Je suis telle une coquille, qu'on laisse traîner sur cette plage amère.

Je suis telle une hirondelle qui a perdu tous ses repères.

Je suis un aigle royal qui n'a jamais connu la candeur.

Je suis cette petite fille battue, en pleine stupeur.

Je suis cet animal abandonné, tremblant de sueur.

Je suis ma mère, mon père, mon frère, et tous ces inconnus qui passent.

Je suis vide, triste, anéantie et lasse.

Je suis telle que l'on m'a laissé.

Traînée, abandonnée.

Je suis tout ce que vous refusez de voir.

Tout ce que vous refuser d'admettre, tard le soir.

Je suis le sang dans vos rivières.

Et vos plus belles bagues ornées de pierres.

Je suis inutile mais vous me prenez comme pansement.

Pour panser vos plaies de faux-semblant.

Je suis une bouteille jetée à la mer.

Un mot d'appel, un SOS, des mots qu'on lacèrent.

Je suis seule ici dans ce froid d'hiver.

Je suis le whisky dans votre verre.

Je suis le sdf que vous avez croisé hier après-midi.

Je suis le Soleil de minuit.

Je suis vos lunettes passé 40 ans.

Votre myopie dilué d'aigreur dans votre sang.

Je suis tous vos sens en éveil.

Je suis la marguerite, au printemps, qui s'éveille.

Je suis la joie et le bonheur.

Je suis votre retard et votre mauvaise habitude de n'être jamais à l'heure.

Je suis vos soins, et votre attention.

Je suis votre pouls qui accélère votre tension.

Je suis votre proche et votre pire ennemi.

Je suis la gâchette de votre fusil.

Je suis vous et je me complais à vous détruire.