"Je te veux"

lesyeuxdupapillon

Longtemps, je n'ai pas distingué l'amour du désir.

Quand je faisais bander un homme, qu'il y avait dans ses yeux ces étincelles un peu violentes , cette soif visible, mon cœur  et mon sexe fondaient en même temps.

C est beau le désir d'un homme. Beau et fou. Ça l'emmène très loin. Ça le rend poète, esthète, tendre parfois. Ça l'habite et l'occupe tout entier.
Ça allume son regard d'une lueur un peu fauve, ça mord ses lèvres d'un sourire carnassier.
Il me regarde. Je suis la proie. Je suis le centre de son monde immediat, la seule qui compte.
Tandis qu'il s'approche doucement, qu'il déploie ses filets et ses trésors d'esprit, je le regarde en douce.
Je fais celle qui n'a rien vu. Pour que ça dure encore, pour pouvoir renoncer, au cas où, pour être bien sûre.
Oui, sa jambe frôle la mienne.
Oui, quand je pose mes yeux dans les siens, un peu par en dessous, son regard se durcit, ses pupilles s'agrandissent.
Je fais celle qui ne voit rien, celle qui n'imagine même pas.
Mais mon coeur cherche à s'enfuir de ma poitrine. Je l'entends cogner dans mes oreilles. Ma peau s'électrise au moindre frôlement.
En général, je regarde ses mains.

Les mains d'un homme sont ce qui dit le mieux à quoi ressemble son sexe dressé.

Quand un homme te désire, il met ses plus belles plumes, il est drôle le et attentionné. Son regard suffit à te faire rayonner. Puisque lui te trouve belle, tu resplendis aussi aux yeux du monde, tu allumes tous tes feux.

Il dit "je te veux". Ou ses yeux, ses mains, le disent pour lui.

Alors, parce qu'il me veut, je donne. Tout. Corps et âme. Je m'enflamme à mon tour, j'ouvre ma poitrine en deux en même temps que mes cuisses. Je donne pour recevoir.

Il a dit "j'ai envie de toi" mais il s'est trompé. Ou j'ai mal compris.

Il voulait mon cul, mes seins, mes ongles sur sa peau, mon souffle dans son cou, ses doigts et sa bite au fond de moi, là où c'est chaud et humide. Est ce que "moi" , c'est seulement ça ?

Il voulait baiser. Dis comme ca, j'aurais dit non, sans doute. N'empêche. Il faut faire attention aux mots qu'on emploie. Un mot, ce n'est pas un hasard. Si on se trompe, il y a des double-fonds et des chausse-trappes dans lesquels je tombe à tous les coups.

Il a joui. Pas moi. En général, ça lui est égal. Maintenant, ça colle entre mes cuisses. Son sexe s'échappe du mien comme un poisson mort, gluant.

Dans ses yeux, la lumière a baissé, je suis moins belle, soudain, d'avoir été conquise, renversée. Possédée, croit-il.

Il a dit "je te veux" et il semble satisfait, arrivé. Comme si j'étais cela : un étui pénien, un jouet pour va et vient musclé, une pâte qui gémit quand on la modèle, un réceptacle à foutre.

Je voulais qu'il me veule, je voulais être choisie au delà de l'instant, je voulais etre l'élue.

Je voulais etre comprise sans parler.

Je voulais que le sexe soit un moyen, pas une fin. Une échelle vers plus grand, une porte dérobée vers un endroit où on se rencontre enfin.

Longtemps, j'ai cru que "je te veux", ça voulait dire "je veux te regarder". Longtemps, j'ai cru que c'était une promesse et un chemin.

Pour les va et vient là où c'est chaud et humide, je n'ai pas besoin de toi.

J'ai rencontré des hommes qui parlaient la même langue que moi. Mais pas plus que les doigts de mes mains.

Quand j'allume un regard, encore aujourd'hui, mon coeur se froisse un peu.

Signaler ce texte