Je vous conterai

Isabelle Gabriel

Je vous conterai ce soir
Si vous me le permettez
Le récit d'une mémoire
Qui mourait à force d'aimer
Les histoires bêtes à crever
Les évidences bêtes à pleurer.

J'ai cru aux vaines chimères
Et aux tristes illusions
Laissant mes tripes en jachère
En proie à la contagion
D'une maladie chronique
Et de sa fièvre maléfique.

J'ai senti la vie partir
Foutre le camp, s'échapper,
Comme une folle en délire
Que rien ne peut arrêter
Ni les prières ni les larmes
Incrédule, sans aucune arme.

J'ai connu les nuits obscures
Aux pupilles dilatées,
A la recherche des murs 
Où ne pas se fracasser,
En quête d'un soupirail,
D'une brèche ou bien d'une faille.

J'ai deviné dans un angle
Un filet d'air entravé
Par des lanières et des sangles
Qui jadis s'étaient serrées
Autour de mon cou bleuté,
Tordu, meurtri, presque brisé.

J'ai glissé mes mains tremblantes
Sous ces laisses érodées,
Ces séniles intrigantes
Au cœur sec et enchaîné,
J'ai expiré leurs déchets,
Recraché tous leurs regrets.

J'ai appris à respirer
Plus loin que je ne pensais
C'est ainsi que j'ai soufflé
Sur les braises qui s'éteignaient
Les voir renaître de leurs cendres
Me voir m'extraire de mes méandres.

J'ai laissé s'emplir mes tempes
D'un sang nouveau, épuré,
Là, sous les feux de la rampe,
La genèse inespérée
Le flux d'espoir s'agiter,
Enflammer toute ma pensée.

Je vous conterai encore
Si vous me le permettez
Le récit sauvé d'un corps
Qui mourait à force d'aimer
Les histoires bêtes à crever,
Les évidences bêtes à pleurer.

© Isabelle Gabriel

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