JESSIE . Chapitre 39

Jp Scriblerus

Résumé des chapitres précédents : Sébastien Villepou a rompu avec Jessie Cassegrain et noué une relation avec Charlène Fleury. Jessie étudiante vénale a couché avec le père de Sébastien. Séismes.

Chapitre 39

L'Eté des uns l'été des autres. Les héros sont fatigués

                                                      µ

     Alors vint le temps classique de la rémission.

    Le soufflé retomba. Chacun referma sa porte et se replia sur soi. La terre continuait à tourner.

    L'été était arrivé, les vacances étaient là. Les coeurs abîmés étaient las. Il convenait de se poser.

Charlène Fleury

    Charlène Fleury après sa fugue nocturne de mai n'avait pas chercher à revoir Sébastien Villepou. Elle prit ses congés en Juillet et rejoignit ses parents adoptifs qui avaient une résidence secondaire dans les Pyrénées-Atlantiques où elle se consacra à la randonnée, escalada la Rhune, fit du surf à Biarritz essayant de se remettre ainsi de sa succession de déboires sentimentaux.

     Avant de partir en vacances un chef de rayon de son Carrefour-City l'avait approchée, beau garçon mais sans fatuité, simple et paisible et qui lui avait fait part des sentiments qu'il éprouvait pour elle au cours d'un repas au resto de l'entreprise lui disant qu'il souhaiterait la revoir à son retour.

   Quand ils se quittèrent pour leurs vacances, il posa ses lèvres sur son front, elle laissa faire mais ne rendit rien. Elle se sentait bien comme si le baiser l'avait apaisée, pacifiée. Sébastien Villepou était bien loin.

Sébastien Villepou

   Sébastien Villepou qui travaillait et avait son studio à Paris fut dans l'incapacité psychique de retourner à Nantes, sa résidence familiale, n'y retourna pas, ne revit cet été là ni ses parents ni Jessie.

Arlette et Charles Villepou

   Les Villepou souffraient, se firent une raison, et finirent par aller passer quinze jours inespérés à Cannes en août dans une résidence Pierre et Vacances. Ils s'abrutirent de soleil, de bains et de siestes autour de la piscine, à l'ombre des parasols ou des stores tirés, ou sur la plage, passant quelques premières nuits sur le gril des brûlures contractées sans précaution les premiers jours.

     L'après-midi Charles tournait autour de la piscine ou déambulait sur la plage les fesses à peine coiffées d'un vieux slip délavé et rétréci. " Charles enfin remonte ton slip ! " le morigénait Arlette Villepou. Tu n'as plus vingt-ans, regarde ton ventre, remonte ton slip, même devant on voit tes poils pubiens comme Clavier dans " Les bronzés."

   Villepou s'en moquait. Il se savait, s'évaluait, ne se faisait aucune illusion, ne recherchait rien mais respirait mieux au grand air, la peau cette fois plus grillée que hâlée, estompant les fadeurs et aigreurs de son corps en perdition.

     Du moins estimait-il qu'ainsi son physique était en quelque sorte retapé, réhabilité, repeint et ferait illusion jusqu'à l'automne.

   Mais illusion pour qui ? L'hiver revenant il savait qu'il ne serait qu'un corps à nouveau déchu, un torse sans pectoraux aux bras anorexiques, aux jambes courtes, au ventre déshonoré par des retombées adipeuses.

   Un soir Arlette l'observant alors qu'il était debout, nu dans la chambre, lui dit : " Quand je te vois aujourd'hui et que je regarde des photos de celui que tu étais lorsque je t'ai connu, quand je vois ce que tu es devenu, si j'avais su je ne sais si je me serais marié avec toi.

    Elle lui avait déjà dit naguère qu'il était un gros con aux dents jaunes dont elle n'avait jamais aimé les lèvres. C'était nouveau. S'il avait su qu'elle n'avait jamais aimé ses lèvres la face de sa vie en eut-elle été changée ... Soit ! puisque madame le disait, mais ça ne contrariait pas davantage Charles Villepou, il assaisonnait suffisamment madame par ailleurs et à longueur de journées d'invectives et d'insultes, depuis presque toujours, alors qu'elle dise ce qu'elle avait à dire, si cela lui faisait du bien.

    Lui présentement ne voulait croire qu'en ce qui était pour lui peut-être le dernier été méditerranéen qu'il vivrait et qu'ils avaient rattrapé de justesse aux forceps. Le dernier été sea, sun and sexe. Il ricana, même plus de sexe !. Il venait d'avoir eu sa dose et en payait le prix fort.

    Pour le reste, lui tout égoïstement décidait qu'il était encore beau, désirable et consommable encore à défaut d'être durable. On n'est jamais si bien servi que par soi-même et gnan-gnan-gnan... Et puis en son temps il avait eu suffisamment de filles alors qu'il était plus proche, estimait-il du profil d'Alain Delon, et qu'aujourd'hui il se pensait moins moche que Gérard Depardieu.

                                             *

   Chaque âge a ses plaisirs. Airbus fit un cadeau à Sébastien Villepou et lui octroya quinze jours exceptionnels de congés en août. Il partit faire une semaine de canyoning dans les gorges du Tarn. Tout seul.

    Après tout les femmes font aujourd'hui des enfants toute seule. Alors comme un grand escogriffe solitaire il canyonna tout seul, casqué, bardé, chavirant, se redressant, s'abrutissant dans le charivari tumultueux des eaux tourbillonnantes et tonitruantes comme dans une espèce de vertige suicidaire.

   Il avait l'impression de se purifier et de retrouver le repos, la sérénité, le goût de vivre, la liberté, l'impression d'atténuer le choc de mai et les déchirements qui l'ont tant malmené. A la rentrée il aura trouvé un nouveau logement à Paris, repris possession de son travail.

     Son père et sa mère, Jessie et Charlène chacun à des degrés divers ne reviennent rôder autour de lui que parfois le soir lorsque les ombres de la nuit viennent l'envelopper, et lorsqu'il contemple la lune et les étoiles.

   Qu'elle était désormais lointaine l'époque si proche où l'on ne parlait que de l'avenir de Sébastien Villepou et de Jessie Cassegrain pour mai deux mille douze, dans un contexte national d'élections présidentielle et législative sur fond de cerisiers rouges et pommiers blancs.

  Mais là plus de voyage, plus de fiançailles, plus de mariage, plus de perspective sinon celle de devoir tout recommencer.

Jessie Cassegrain. Chassez le naturel ...

     Quant à Jessie Cassegrain elle partagea son mois d'août entre la rédaction de son mémoire universitaire, un emploi d'hôtesse de caisse vacataire à la Fnac, et ses rendez-vous tarifés. Elle n'avait pas pour autant, bien qu'ayant levé le pied, abandonné les Villepou. Ses démons la reprirent de nouveau.

                                                        *

   Elle envoya des mails sur la messagerie professionnelle de Charles Villepou, mais le message " failure " lui revenait systématiquement ce qui la contraria, l'énerva. Elle se disait que Charles Villepou lui claquait la porte au nez, la giflait, la répudiait. Elle téléphona à son bureau. Monsieur Villepou est absent lui répondit une voix féminine et jeune, c'est à quel sujet, c'est de la part de qui ? Elle raccrocha.

     Jessie rappela. Allô le bureau des grands évènements ? Oui bonjour à qui ai-je l'honneur ? Allô, Allô je vous écoute... Ces manières la rendirent folles. Monsieur Villepou est absent madame, y a t-il un message à lui laisser ?

   -  Je peux le rappeler à quel moment ?

  -  Mais c'est de la part de qui, à quel sujet madame !

Jessie vexée, raccrocha, rappela.

 -  Pourrais-je avoir monsieur Villepou, c'est urgent.

 - Mais c'est la troisième fois que vous rappelez madame. Voulez-vous que je vous passe un autre service, où laissez-moi votre message..

 -  Alors le voici le message, dites à monsieur Villepou qu'il me rappelle sans délai, sinon ça va barder, je suis la petite amie de monsieur Villepou.

 -  Bien madame, mais votre nom s'il vous plaît ?

 -  Ah parce qu'il a plusieurs petites amies !

 - Je n'ai pas dit ça madame !

 - Vous voulez que je vous donne mon tour de poitrine aussi , je vous le donne quatre-vingt six, quatre-vingt sept b.

    Jessie devenait folle de rage, était prête à tout.

- Je le tiens informé dès son retour.

     Chrystelle Malenlevé la secrétaire de Charles Villepou raccrocha. Sa rage passée, Jessie était contente de son coup, ça allait jaser au bureau de Charles Villepou .

   S'ils croyaient que Jessie avait soldé le compte des Villepou, les Villepou effectuaient une manifeste erreur d'appréciation.

                                                              µµµ

10052013 .

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