JESSIE . Chapitre 10

Jp Scriblerus

Résumé : Les relations sont sulfureuses entre Sébastien le prude et Jessie la déglinguée. Mais Sébastien vient d'être éconduit par Charlène, une rencontre récente qui l'a séduit.

Chapitre 10

Jessie, j'ai besoin de faire un break.

     Au terme de ces deux semaines d'avril traversées par cette nouvelle et bancale ébauche sentimentale avec Charlène hôtesse de caisse, Sébastien Villepou descendit le vendredi sur Nantes pour un week-end dévolu à Jessie Cassegrain.

   -   Tu as l'air bien sérieux Sébastien ce soir, veux-tu encore des pâtes, il en reste ?

  -   Les pâtes, ce vendredi soir, après deux heures de train. …

  -  Bon je vois, il ne faut pas trop faire chier monsieur ce soir, je présume que la quinzaine de monsieur a été dure …

  -  Ne monte pas sur tes grands chevaux, je suis fatigué Jessie, mais si ! et puis il va falloir qu'on se parle, il faut même qu'on se parle vraiment …

 -  Oh oh ! tu aurais des choses graves à me dire, hum je sens que ce soir il n'y aura pas de parties de jambes en l'air...

  -  Jessie !

  -  Quoi Jessie ! allez charrie ta merde !

  - Jessie je déteste quand tu deviens vulgaire, je ne t'ai pas connue comme ça, quelle mouche t'a piquée !

  -  Quelle mouche m'a piquée ? mais c'est un comble, tu me dis avec un air funèbre : " Jessie il faut qu'on se parle. ", ça tombe comme un cheveu dans la soupe, ça te prend comme une envie de pisser et tu es surpris que je m'en étonne !

  -  Jessie il faut que toi et moi fassions un break...

 -  Un break ! ?

     Jessie ricane, fixe Sébastien, elle sent que quelque chose dont elle n'a pas l'initiative se passe, qui n'est plus sous son contrôle, quelque chose qui va lui échapper. Sébastien poursuit :

  -  Un break mais tu le sais très bien Jessie c'est banal dans un couple c'est quand on s'interroge et que l'on souhaite faire le point. Alors peut-être faut-il que les deux membres du couple s'éloignent un temps...

  - Mais qu'est-ce que c'est que cette histoire, c'est quoi, cette diarrhée ! ... Jessie n'aime pas du tout, elle, l'enfant unique, la petite fille couvée, comblée, la jolie poupée devant laquelle ses parents se sont toujours ébahis accédant à tous ces désirs, la voici contrée soudain par cet huluberlu d'amoureux avec lequel elle est sensée se fiancer, se marier, elle qui parallèlement chemine sur les cîmes d'une vie facile tout en s'autorisant l'exploration des vices et les transgressions de toutes sortes, elle qui jusqu'alors trompe son monde, simule les sentiments, la piété polie, elle qui se paie et se fait payer par de vieux pervers, elle qui s'organisait un avenir radieux garanti à défaut de ses réussites non acquises, par la grâce inespérée d'un mariage qui lui serait une assurance-vie, et elle Jessie là, allait se faire moucher par cette grande bêtasse d'ingénieur ?

     Non ! c'est elle qui mènerait le jeu, jamais lui, s'il fallait rompre c'est elle qui en prendrait la décision pas lui ! mais une évidence la détendit soudain, elle avait trouvé !

  -  Ah mais c'est ça, tu aimes une autre meuf ! Sébastien leva la tête, suspendit sa fourchette puis enfourna le brouillis de nouilles que les dents avaient embroché, prit le temps de glutir, déglutit puis dit à Jessie :

  -  Jessie t'es une fille bien. Je t'aime Jessie t'es une fille bien.

      A ces mots Jessie ne se sentit plus, prit son verre, se leva et le vin aspergea le visage de Sébastien. Elle hurla comme une furie : " Fille bien, une fille bien ! la fille bien c'est ce salaud de compliment que l'on fait à une fille que l'on a bien niquée, dont on a assez et que l'on quitte … ! Alors pour la calmer on lui dit tu sais ma grosse t'es une fille bien. Arrête ! j'ai compris. Alors sors d'ici, va la baiser ta pouffe, va la toucher comme tu m'as touchée mon cochon puisque monsieur le séminariste ne baise pas si je m'en réfère à ce que j'ai vécu avec lui, peut-être qu'avec l'autre le bon dieu te donnera l'autorisation de la baiser pur et dur !

  -  Jessie !

  -  Jessie ! Jessie, Jessie désormais elle t'emmerde, dégage !

 - Jessie ! Sébastien trempé, taché, est abasourdi, demeure hébété, est épuisé soudain.

  - Mais Jessie, il n'y a pas que le sexe, que la baise dans la vie ! il y a l'âme, les choses simples, le travail, le partage …

     Jessie s'est rassise elle aussi comme anéantie, son échaffaudage s'effondre. … L'âme, les choses simples, le partage, famille, travail, famille, patrie, oui bien sûr vieux... Elle scrute ce Sébastien lamentable mouillé au vin qui tache, quel grand con, quel mâle falot, qu'il se redresse bon dieu, qu'il soit homme, macho ! qu'il feigne au moins de réagir !

  -  Mais bon dieu tu as un siècle de retard, toi et ta famille, et ce n'est pas moi qui vais t'apprendre que le monde est en pleins bouleversements ! l'on vit au temps des nanotechnologies, de la génomique, d'internet, du mariage des couples homosexuels, des chatroulettes, des mères porteuses, de l'homoparentalité. L'on ne doit pas fumer du cannabis tous les jours chez vous ! et l'Iphone est un mot hébreu !

   -  Allez dégage Sébastien, tu m'as sciée, va faire ton break avec ta pute.

     Il ne pouvait qu'aimer une autre fille pour vouloir faire son break, il faisait une crise d'originalité amoureuse. Jessie était jalouse, la rage l'enfièvrait, elle qui calculait tout n'avait pas vu un vent tourner, n'avait pas perçu que Sébastien le grand tourmenté était susceptible de la lâcher. Oui elle rageait de s'être fait surprendre, d'avoir été prise au dépourvu, elle qui menait ses vieux comme elle l'entendait. Sébastien regardait Jessie. Il était anéanti, bouleversé par la violence et la vulgarité du comportement de Jessie, qu'il découvrait. Etait-ce bien elle. Oui, elle n'exprimait pas seulement une colère, elle exprimait une haine.

     Il était terrassé par le poids de ses mots, le choc de sa vérité profonde qu'elle révélait au grand jour, qu'elle lui assénait. Il était assommé par la pertinence de ses incriminations le concernant, sur les évolutions sociétales qu'elle lui faisait grief de ne pas reconnaître ou de ne pas vouloir comprendre. Elle témoignait à l'évidence d'un cynisme qu'il n'avait pas pressenti.

     Elle était certainement nue sous son pull. Par l'échancrure il pouvait plonger entre ses seins lourds et tendres qu'il aimait tant pétrir, il percevait le téton brun sous la maille du pull. Une chaleur sourdait dans le ventre de Sébastien, son sexe gonflait. Quel dommage … Au même instant la vision de Charlène vint l'assaillir, son grand corps filiforme, manière Giacometti, empreint d'une grâce fragile qui s'ignorait venait s'interposer, subliminale, entre Jessie et lui.

     Un profil qui portait celui-là les signes d'une compatibilité plus évidente avec le sien. Dans la cuisine régnait l'enveloppant et le laminant silence de la sidération qui prévaut après le passage des ouragans. Les âmes de Jessie et de Sébastien étaient épuisées, vidées au sortir de cette courte secousse paroxysmique qui venait de les ébranler.

     Jessie était entrain de perdre cette tour eiffel d'intelligence aux jambes longues, blanches poilues et tue-l'amour. Là elle se refusait à penser et n'avait plus que deux désirs, le premier de voir Sébastien partir sans délai, le second de se vautrer dans les bras d'un vieux que pour une fois elle pomperait peut-être à mort et dont elle boirait le jus.

     Jessie était assise les coudes sur la table en formica blanc. Elle vit Sébastien d'une main tenant son sac de voyage et de l'autre lui lançant, sans un regard, la clef de la porte de l'appartement qui glissa sur la table, puis il disparut dans le vestibule. La porte claqua. Alors elle faillit se lever et lui courir après, lui hurler de revenir. Sébastien oui, stop, arrête, reviens, oui, viens, posons-nous, oui je le fais avec toi le break, parlons, je t'aime.

   Dehors Sébastien pensa qu'il aurait bien aimé la baiser encore une nuit, caresser ses seins, son cul, son con, il y était addict et pourtant comme à chaque fois selon leurs conventions stupides ou plutôt les siennes il aurait fini par éjaculer dans son coin solitaire comme un pauvre ère du sexe, onaniste solitaire. Même si quatre-vingt pour cent des hommes se masturbent pour ne pas obliger leur femme, Sébastien était certain que cette forme de masturbation perso au sein d'un couple n'était pas très normale. Cette masturbation d'homme seul, avec son éjaculation cachée, masquée, honteuse, insane, était humiliante, alors que toute éjaculation devrait être heureuse, triomphante et joyeuse.

     Un sursaut d'orgueil cloua Jessie sur sa chaise.

                                           µµµ

220421013 .

A suivre

             Les suites d'une rupture douloureuse.

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