JESSIE . Chapitre 12
Jp Scriblerus
Chapitre 12
Le retour du fils prodigue
Les douze coups de minuit tintèrent dans la nuit de ce vendredi soir 6 mai, lorsque Sébastien sonna à la porte de ses parents les Villepou. Il s'y était résigné, il était trop tard pour rentrer à Paris.
En attendant que l'on vint ouvrir il ricana d'en être réduit lui la tête bien faite, l'ingénieur de vingt-huit ans, à devoir trouver refuge chez papa et maman. Certes il ne venait y séjourner que deux week-ends sur quatre à Nantes, un chez Jessie, un chez ses parents, il séjournait les deux autres à Paris, mais il y arrivait là ce soir, tête basse, d'autres diraient " la queue entre les jambes " - mais ceux-là sont des gens mal élevés - ployant sous le faix de son séisme sentimental, chassé par sa Manon Lescaut.
Il dut sonner une seconde fois. Il imagina les interrogations et appréhensions à cette heure, le lever précipité, l'habillage en catastrophe. Une lumière s'alluma qui parut par la vitre haute de la porte d'entrée. C'est qui ? Il toqua pour rassurer, c'est toi Sébastien ? les verrous grincèrent, la porte s'ouvrit. Charles Villepou se montra dans l'entrebaillement de la porte qui s'élargit et la mère parut tout de suite en arrière-plan.
Lui, le père, en pyjama de satin bleu nuit, elle en chemise de nuit sur la cuisse, ras le bonbon, le sein lourd, ah ! semblèrent-ils expirer ensemble c'est toi Sébastien ! tu nous as fait une de ces peurs. Mais tu n'es pas chez Jessie ce week-end ? Sébastien eut froid dans le dos, c'était ça ses parents, ça ses parents dans le piteux ornement d'une nuit quand on vient arracher des vieux à leur sommeil, deux vieux non, mais bientôt, ainsi surpris dans leur abandon nocturne tel qu'en leur vérité physique inapprêtée, crue et indigne, le visage hagard, les traits bouffis, défaits par cette insolite intrusion nocturne.
Il ne faut jamais venir sonner aux portes au coeur de la nuit, il ne faut jamais venir bousculer une âme, la surprenant ainsi nue et démunie, c'est comme si alors vous regardiez quelqu'un qui dort livré à ses rêves, ou que vous ouvriez une lettre qui ne vous était pas adressée vous livrant ses ombres.
César, à un soldat de sa garde, recru et cassé, qui lui demandait congé de se faire mourir, regardant son maintien décrépit lui répondit plaisamment : " Tu penses donc être encore en vie ! ". Pourtant son père n'était pas encore un retraité, loin de là, le corps de Jessie, vade retro Satanas vint l'assaillir de nouveau, à cette heure-là, selon leurs pratiques coutumières Jessie et lui sacrifiaient aux rites de leur passion maîtrisée, toute en caresses et étreintes retenues.
" Ses vieux " devaient être bien loin désormais quant à eux de cette collusion des corps.
Au même instant Jessie pensait encore au lâchage de son ingénieur, remâchait cette défaite, cette humiliation mais peu à peu reprenait son destin en main, commençait à tisser les liens d'une vengeance sans appel, tandis que ses vieux followers s'exhibaient déjà mais elle n'avait pas cette nuit -là le coeur au sexe.
Et si elle amenait celui qui était programmé comme devant être son futur beau-père à figurer au rang de sa bande de vieux pervers qui lui glissaient un billet dans la fente … ? Charles Villepou, le père de Sébastien avait beau présenter bien, propre, net et fidèle, il était acquis, même si elle s'amusait exprès à le tourmenter, qu'il ne pouvait s'empêcher de laisser traîner ses yeux sur ses seins, de les laisser s'immiscer sous sa jupe pour tenter de saisir quelques perceptions intimes, il était acquis qu'il succomberait à une tentation de la chair bien amenée.
Elle avait du sexe et de la conversation, du savoir faire, de l'aplomb et ne s'opposait pas à ce que chacun en profitât comme il le pouvait - regarde ce que tu peux, si tu peux, mais ne touche pas - mais là s'agissant du père de son futur la chose était pour le moins dans l'absolu inconvenante.
Pour autant elle était convaincue qu'il ne lui faudrait pas beaucoup d'efforts pour attirer le père de Sébastien dans sa nasse et cette certitude l'apaisa soudain, la mettant presque de bonne humeur.
Elle prit un aspégic mille et se glissa sous la couette.
Tandis que Charles Villepou refermait la porte d'entrée, Arlette Villepou avait rejoint Sébastien dans le salon. Sébastien qui y avait déjà posé son sac, regardait maintenant sa mère avec effroi, la nuisette de celle-ci lui été remontée incongrûment sur les cuisses et elle affichait sur son frontispice pubien une touffe luxuriante.
Charles Villepou accrocha le regard de son fils qui le conduisit à l'effarant spectacle:
- Allons Arlette vêtissez-vous !
Charles vouvoyait sa femme dès lors qu'elle le mettait dans l'obligation de la remettre à sa place quand elle n'était pas à la hauteur de la qualité d'épouse que Charles Villepou requérait d'elle.
Arlette n'acceptait jamais ces remontrances s'estimant l'égale de tous et de toutes et notamment de Charles qui n'était pas, affirmait-elle, d'une ascendance supérieure à la sienne. Elle connaissait le registre de ses remarques par coeur et se gaussait : " Monsieur se croit beau et supérieur sans doute comme toujours ."
Arlette nullement décontenancée, tira sur la nuisette, mais la tache pubienne demeura sous la transparence et Sébastien y superposa celle de Jessie, le sexe de sa mère, celui de Jessie, il eut un vertige. Elle passa ses doigts dans ses cheveux pour leur donner un air et enfila les questions, debout devant Sébastien qui s'était assis dans le canapé.
- Mais enfin Sébastien que se passe t-il, dis quelque chose ! Elle aperçut la tache de vin sur la chemise, elle approcha, se pencha tendit le nez, grimaça sous l'odeur.
- Du vin, tu bois maintenant et tu le vomis !
- Ta gueule !
- Sébastien ! intervint Charles, tu parles à ta mère !
- Vos gueules, je reviens de chez Jessie. J'ai rompu.
Il y eut un froid, un grand silence, Arlette et Charles s'étaient assis dans les fauteuils vis-à-vis, livides et avachis. Mais alors reprit Arlette, le voyage en Turquie, les fiançailles... ?
Charles Villepou prit le relais ; Ecoute, ça vient de se produire, c'est une querelle d'amoureux, tu es fatigué, retournons tous au lit, la nuit et le repos portent conseil, demain est un autre jour bien que nous y soyons déjà. Allez, ce n'est qu'une querelle … Sébastien était littéralement lessivé, oui il n'aspirait plus qu'à se glisser sous les draps propres et bien tirés de son lit que sa mère tenait toujours prêt.
Sébastien se leva, fila devant eux en disant d'une voix sourde le regard sur le tapis, non ce n'est pas une simple querelle, c'est du sérieux. C'est du sérieux il sourit intérieurement, c'est du sérieux avait répondu Sarkozy jadis aux journalistes, c'est du sérieux avec Carla. Là, c'était du sérieux à l'envers. Mais seulement quelques mois auparavant promu président, sur le perron des jardins de l'Elysée, tel un montreur d'ours il montrait Cécilia, l'ex, aux photographes, et leur disait : " Regardez-là ma Cécilia, comme elle est belle ! " alors même que les journaux suintaient des difficultés du couple.
Les vérités du moment ne sont pas celles de celui d'avant ou de celui d'après. Et la porte de la chambre de Sébastien se referma. Les villepou se regardèrent blêmes, épuisés, perplexes et partagés mais ce n'est pas ce soir encore que Charles Villepou dirait à ses serviteurs en l' honneur du retour du fils prodigue :
" Apportez vite la plus belle robe, et l'en revêtez ; mettez-lui un anneau au doigt, et des souliers aux pieds. Amenez le veau gras, et tuez-le. Mangeons et réjouissons-nous ! "
Charles se leva
- Allons-y il n'y a rien à faire de plus, c'est la vie.
- Je te l'ai toujours dit que c'est une garce cette fille, fit Arlette Villepou cependant secrètement heureuse de cette histoire. Et Arlette aurait volontiers chanté : " … et mon fils que voici s'était fourvoyé, et il est revenu à la raison; il était perdu, et il est retrouvé. "
Arlette Villepou se risqua, entra sans frapper dans la chambre obscure. Sébastien, mon grand veux-tu un verre de lait chaud ? - les niaiseries d'une mère - sussura la mère attentive oui vraiment pas fâchée de cette rupture et de retrouver son grand garçon.
Il y eût un grognement, un mouvement sous la couverture, Sébastien s'enfonçait dans le cocon protecteur des draps et de la couverture, elle n'insista pas, referma doucement la porte, et rejoignit son mari qui éteignait les lumières du salon.
A leur tour ils retournèrent s'enfiler dans leur lit, tu vois je te l'avais bien dit qu'il ne fallait pas précipiter les fiançailles dit Arlette, on va avoir l'air de quoi maintenant...
- Bah et puis après tout je m'en tape, c'est leur histoire.
- Avec toi c'est toujours comme ça dès que ça se complique y'a plus personne, c'est toi l'homme quand même, le père de ton fils !
- On peut dormir ? fit Charles Villepou.
Ils dormirent mais peu.
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23042013
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A Suivre
Jessie et Sébastien sont dans le désarroi le plus profond.
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