JESSIE . Chapitre 17

Jp Scriblerus

Résumé des chapitres précédents : Sébastien Villepou a rompu avec Jessie la déglinguée, déménage, emménage chez ses parents, puis disparaît.

Chapitre 17

Bonjour, je me présente je m'appelle Charlène . " N'est pas Jennifer Lopez ou Charlize Theron qui veut. "

   J'entends que l'on raconte l'histoire de la famille Villepou, soit ! mais j'aurais aimé être informée, je n'y ai pas accès mais je crois quand même que je suis un peu concernée.

   Alors si on ne l'a pas fait et même si on l'a fait j'estime que c'est au moins à moi de me présenter. Je m'appelle Charlène. Charlène Fleury. J'ai un bac pro. Je suis hôtesse de caisse au Monoprix de la Bastille à Paris.

   Je subodore que l'on parle de Sébastien Villepou, je vais me permettre d'en dire deux mots, puis je laisserai le conteur reprendre les rênes.

    A vrai dire je ne sais pas du tout où il en est de son histoire, et d'ailleurs ira t-il jusqu'au bout Sébastien ? Il n'est pas antipathique. C'est une tête, il est ingénieur en aéronautique, c'est dommage qu'il ait un physique un peu fade. Il est très timide, ça devient crispant, il en devient un peu niais et ça me met mal à l'aise.

    Il venait faire plusieurs fois par semaine ses courses à Monoprix. Il semblait ne connaître que ma caisse, j'ai dû lui taper dans l'oeil. Il m'a invitée au cinéma j'ai dit oui. Mais avec lui cela a tout de suite été compliqué. En revenant du cinéma il s'est vite déboutonné, je veux dire qu'il a commencé à se raconter.

   Moi je ne lui avais rien demandé, mais il est vrai que je lui avais dit que je sortais d'une rupture, il est vrai que durant la séance je lui ai donné plus que mes lèvres, un besoin, un petit bout de moi, un petit bout de langue.

   Il a une nana, il ne sait s'il l'aime, mais il va se fiancer avec elle, ça m'a refroidie. Déjà que je suis la cloche auprès de ce grand cerveau, de cette tête bien pleine, moi avec mon petit bac pro, mon petit bagage, mon petit métier, mes petits doigts qui courent sur les touches de la caisse enregistreuse, moi dont la perspective d'évolution de carrière est à ce jour et en cet emploi dans ce monoprix peu stimulante. Pas envie de chercher ailleurs, peut-être chez Mac Donald's, ils développent des carrières.

    Sébastien dirait que je manque d'ambition, et que je vaux mieux, il y en a tant d'autres qui me l'ont dit. Je dois être, je suis, une grosse paresseuse. Lui que j'imagine avec des équations dans la tête, des ellipses, des années-lumière séparent nos quotients intellectuels.

   Depuis cette séance de cinéma et malgré ses révélations on s'est revu une seconde fois toujours un mardi, le mardi suivant, il m'a fait mal ce soir là, il a dit des choses pas possibles à entendre concernant ses rapports avec sa meuf, il m'a dit que son coeur était susceptible d'incliner vers le mien, il m'a dit que j'étais sa grande amie.

   Moi, je ne lui ai jamais dit que je l'aimais, d'abord parce que je ne peux savoir déjà si je ne l'aime pas, parce que l'on vient de se connaître et que l'on ne s'aime pas comme ça en deux jours ou cinq, sauf dans l'Amour est dans le pré, Le Bachelor, ou Qui veut épouser mon fils, sauf coup de foudre et pour moi il n'y a pas coup de foudre et je ne fais que commencer à me remettre de ma rupture.

   Mais il ne m'est pas désagréable. Il dit qu'il tient à moi que je lui plais, il me trouve jolie fille, j'ai rougi, " Jolie " c'est un peu court, ça me rappelle Tocqueville évoquant sa femme dans une lettre : " Je la trouvai agréable sans être précisément jolie ... "

   Je dois être du côté " sans être précisément jolie " et ce n'est pas suffisant. D'autant qu'il a eu et l'outrance et la candeur ou la grossièreté, la goujaterie, au choix, de me dire que sa fiancée avait des charmes, et j'imagine ces charmes. Moi je ne suis que " jolie ", nuance ! Je lui suis la fille utile dans la mesure où il m'a rencontrée au milieu de ses errements sentimentaux et que je lui suis la modalité compensatoire qui pallie son vide intérieur.

   Les garçons sont tous pareils, ils aiment ils aiment pas, ils savent ils savent pas, mais ce faisant ils ont besoin d'une petite chatte à peloter sans parler de l'autre qui les obsède, et comme nous, souvent, nous sommes aussi en manque, et que l'on aime être pelotée, que notre chatte soudain devient fluide, chacun y trouve son compte et puise dans cette relation biaisée ce dont il a besoin.

   L'on sait que très souvent les garçons croient vraiment aimer, mais ce n'est qu'une pulsion qui les gonfle, qui les prend à la gorge et on leur sert de déversoir. D'ailleurs sur les sites porno du Web, ils se disent entre eux que nous sommes des trous à bites, des garages à bites. Et c'est, après la chose, que l'on perçoit mieux s'ils ont un minimum de sentiment pour nous. S'ils n'en n'ont pas ils nous caressent avec de belles formules ; " Tu es une bonne personne " et l'on doit se satisfaire de ce label qu'ils scellent en nous plaquant un pseudo-baiser sur les lèvres.

   Je sais de quoi je parle, j'ai connu, j'ai donné, je sais le scénario par coeur, pas besoin d'apprendre le texte, comme la plupart des filles je présume.

   J'ai même été estampillée plusieurs fois, si vous comprenez ce que je ne veux pas dire. J'en sors, j'en ai fait une nouvelle fois l'expérience. Sébastien pour l'instant se tient, bien qu'il m'en ait confessé de bonnes et de belles cochonneries avec l'autre. Il a essayé de m'expliquer comment entre elle et lui, se conciliaient le sexe et la religion, morte de rire, mais hallucinant.

   Sa chérie doit être un sexe-symbole, alors que moi sur sa fiche technique je suppose qu'il m'a décrite du moins physiquement comme ressemblant à un lacet de chaussure avec des oeufs sur le plat façon Jane Birkin, ce qui est très vite rédhibitoire pour un garçon.

   N'est pas Jennifer Lopez ou Charlize Theron qui veut. Pourtant j'ai de jolies petites fesses rondes que les garçons aiment bien croquer, lécher aussi d'ailleurs, ce que je ne déteste pas. Je suis normale quand même, moi qui ne suis que " jolie " nuance ! et je le suis.

    Donc voilà, Charlène c'est moi, je passais par là, je repasse la plume à l'auteur.

                                                    µµµ

A Suivre

   Quand Sébastien Villepou désespéré tombe sur le voisin de palier de Charlène.

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