JESSIE . Chapitre 18
Jp Scriblerus
Chapitre 18
Le voisin du palier d'en face .
Ce samedi sept mai deux mille onze, Sébastien a brutalement plaqué son monde, ses sacs poubelles, Roberto Alvaro-Gomez Da-Silva, ses parents. Cette ivresse de l'impromptu, de l'impulsion qui vous donne sur le coup un sentiment de liberté.
Sébastien est dans le train de quatorze heures pour Paris. Il ouvre son netbook, tiens ! l'élection de Bernadette Chirac en Corrèze, il y a eu une erreur dans le décompte des suffrages. Le tribunal administratif a constaté que dans un bureau de vote il y a eu discordance entre les bulletins trouvés dans l'urne et le nombre des émargements.
Puis Sébastien éteint l'ordinateur, se cale sur son siège et se met à penser, quel week-end dégueule, ça vous défonce, ça vous vide une histoire pareille. Il ne faudrait plus grand-chose pour que vous vous jetiez par la fenêtre. Mais Sébastien l'âme douloureuse se raisonne, il sait qu'il ne s'agit que d'une histoire parmi des millions d'autres, toujours les mêmes, une histoire de son âge, on crie, on pleure, on dit des mots, on se déchire, on se sépare, mais ce sont des prurits subalternes comme l'est, toutes choses étant égales par ailleurs, le recours en annulation de l'élection de Bernadette Chirac qui à soixante dix-huit ans, soixante dix-huit ans ! mériterait quelque repos. Sébastien est bien arrivé. Bien sûr personne ne l'attend.
Rentre t-il chez lui, va t-il aller frapper à la porte de Charlène qui a dit : " Laisse-moi en paix désormais " la semaine dernière et qui l'a plaqué sur le quai du métro. Ce serait une première que de frapper à sa porte.
Lors de la première soirée cinéma il n'avait fait que l'accompagner à La porte de l'immeuble. Il passe chez lui, il se douche, s'habille, hésite, il est dix-huit heures, il décide, se rétracte, il est vingt-heures, si ! il ira à la recherche de Charlène.
Il prit le bus se rendit chez Charlène à la Bastille, cinq étages pas d'ascenseurs, il est vingt-et-une heures trente. Très précautionneusement il colle son oreille à la porte. Il ne perçoit aucun bruit. Il a le coeur étreint. Il sonne. Il sursaute, la sonnerie est stridante et sonore. Par contraste il a l'impression que c'est un silence persistant qui lui répond, l'enveloppant, l'imprégnant, l'enserrant, l'angoissant. Il n'aurait pas dû.
Il sursaute " Mec arrête ton bordel ! tu vois bien qu'elle est pas là la meuf ! tu vas pas faire chier l'immeuble toute la nuit ". Sébastien se retourne, sur le seuil de la porte d'en face un black l'interpelle, il a tout pour plaire, le crâne rasé, le biceps tatoué, un percing au lobe de l'oreille droite, et sur son marcel blanc cette inscription en caractères gothiques : " J'aime pas l'amour ".
- Okey ! j'ai compris, fait Sébastien.
- Salut ! si c'est ta meuf elle est partie à Nantes, tu connais ?
Sébastien se fige, le black a l'air bien renseigné, le black se détend soudain, et éclate de rire. " C'est peut-être toi l'ingénieur. T'as la gueule de l'emploi, je sais que c'est toi, mon grand-père était un marabout, t'as une tête à équations, là elle doit être encore dans le train, on a cherché les horaires ensemble sur Sncf voyages.com."
Sébastien est blême, accôté au mur du couloir, on dirait que ça t'ébranle, allez viens mec je t'offre un verre de bissap, si tu rentres chez Omar, tu deviens l'ami de Omar, il tend la main à Sébastien, je me présente : " Omar Moussi, on m'appelle Moussi Moussa. "
Il tire littéralement Sébastien par la main pour le remettre d'aplomb et l'amener chez lui. Sébastien est vidé. Sans même attendre qu'il y soit invité il s'effondre dans le canapé qui bouffe tout l'exigu séjour d'Omar Moussi, au cinquième un grenier aménagé en loft. Sur le mur derrière le canapé, des tentures bariolées à la gloire de Fidel Castro, Che Guevara, Martin luther king, Gandhi et Mandela. Omar lui sert un verre de bissap et s'installe sur un pouf devant Sébastien.
- Alors elle te plaît Charlène, questionne t-il. Tout à l'heure j'y suis allé au culot, j'ai dit " ta meuf " sans le savoir. Tu frappais à sa porte, il n'y a jamais de potes qui frappent à sa porte. Il y en avait un, mais il n'y en a plus, sauf moi .
Il rit.
- On discute souvent le soir ensemble chez elle, quand ma meuf n'est pas là, ma meuf, elle, est infirmière, l'autre soir Charlène me dit j'ai un client qui m'a invité à un ciné, c'est un grand type maigre, qui travaille à Airbus une grosse tête, c'est pas mon genre mais il est doux et timide, alors j'ai accepté dommage qu'il n'ait pas tes tablettes Omar.
Omar bombe ses tablettes sous son Marcel, éclate de nouveau d'un grand rire sonore, blanc, éclatant. Il rebombe le torse, heureux, et se frappe les pectoraux qu'il tend comme une peau de tambour africain.
Sébastien Villepou entend mais n'écoute pas.
... Alors quand je t'ai vu j'ai su que c'était toi.
Villepou émerge un peu et si ce nègre avait couché avec Charlène, sinon il ne saurait pas tout ça. Et il n'a jamais donné son adresse de Nantes à Charlène. Il était vraisemblable qu'elle connût aussi quelqu'un, elle est séduisante cette fille, ah c'est vrai elle lui avait dit qu'elle sortait d'une rupture. Décidément ce week-end continuait de marcher sur la tête.
Il se leva brusquement, je rentre monsieur Moussi, je suis claqué, moi c'est Sébastien, Sébastien Villepou, merci pour tout, il enfila d'un trait le reste du verre de bissap. Omar n'insista pas.
- Y 'a pas de mal à faire du bien à son frère dit Omar, toi tu dois avoir une grosse tête à l'intérieur moi elle est dans mon coeur.
Chacun ses problèmes moi je suis en situation irrégulière, mais je vais retourner au Sénégal, c'est la misère ici en France, vous avez raison de ne pas nous régulariser, quand vous le faites vous nous enfoncez dans la misère noire, on n'a pas de diplôme, alors normal qu'on n'ait pas d'emploi.
Au Sénégal y' a au moins la famille, la case, Sébastien le fixa
- Dis-moi Omar t'as couché avec Charlène
- Ah mon ami j'aime pas ta question, je te fais rentrer chez moi et tu me demandes si j'ai couché avec ta fille ! tu me vexes, ça ne se pose jamais ces question-là entre amis, alors file parce que la colère noire monte dans le sang rouge d'omar.
Villepou voulut s'excuser bien qu'il attendît une réponse, mais il comprit qu'il avait déclenché la colère d'Omar.
- Ferme toujours ta braguette avant de l'ouvrir pote, et tu verras tu t'en porteras toujours mieux ...
Et il claqua la porte, laissant Sébastien terriblement seul sur le palier.
Charlène était à Nantes.
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26042013 .
A Suivre
Que va t-il résulter de ce chassé-croisé entre Sébastien, Charlène et Jessie ?
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