JESSIE . Chapitre 25

Jp Scriblerus

Chapitre 25. Résumé des chapitres précédents. Les parents Villepou, et Charlène la nouvelle, subissent les effets collatéraux de la rupture sauvage entre le fils Villepou Sébastien et Jessie son ex.

Chapitre 25 .

Les morosités d'une mère.

     Ce même lundi soir du 9 mai deux mille onze Arlette Villepou se repassait sa journée.

   Au bureau autour de la machine à café elle avait raconté d'emblée le matin à Colette Pulgère sa collègue et copine qu'elle avait passé un week-end épouvantable, que Sébastien avait rompu avec Jessie, et que Jessie avait salement viré de son studio Sébastien, lui flanquant ses affaires dans des sacs poubelles qu'elle était allée balancer dans la cave.

   " Cette salope l'a carrément mis à la porte ! " Colette réprima un sourire, elle jubilait, elle était bien obligée de composer avec sa collègue, mais les histoires d'Arlette la bassinaient, son mari qui ne la satisfaisait plus, son fils ingénieur qui était le plus attentif des fils, le plus intelligent, le plus beau.

   " Bah ! " fit Colette, c'est un grand classique, tu le sais bien toi-même, t'as eu leur âge et des ruptures, aujourd' hui on se colle et on se décolle à l'envie, une fois qu'on a bien tringlé et qu'on s'est bien fait tringler on va voir ailleurs si le soleil est plus chaud, si l'orgasme est meilleur, déjà que les couples passent désormais leur temps, mariés ou pas, à se décomposer et à se recomposer, alors tu penses deux tourtereaux vierges dis-tu, mais je n'y crois pas...

   ... même les grands, même les princes, même les riches, les puissants c'est dans les journaux tous les jours, t'as vu Strauss-kahn, t'as vu Albert de Monac, ça se paie des parties fines, ça sème un peu partout, bon allez ! t'as vu les dossiers que j'ai à traiter ! on en reparlera à la cantine si tu veux mais pour moi ce sera un oeuf malade, qu'ai-je dit ! pour moi ce sera un oeuf salade, j'ai bouffé des merguez pendant tout le week-end, et j'en suis lourde encore."

    Arlette avait à l'époque été vexée du choix de Sébastien, les études de Lettres de Jessie ne l'avait ni convaincue, ni amadouée. Elle l'avait d'emblée perçue comme une aguicheuse une coureuse de première classe, et de surcroît vulgaire. Jamais Charles et elle n'auraient imaginé que leur fils fît de si brillantes études et accède à ce métier d'ingénieur.

   Cette fille ne méritait pas leur fils. Charles Villepou quant à lui s'il partageait l'approche de son épouse demeurait sensible à son profil d'étudiante en Lettres, lui qui eût toujours aimé l'être sans jeu de mots, et qui proclamait ubi et orbi que lorsqu'il serait en retraite il s'adonnerait à la littérature. D'ailleurs il s'était mis dans l'esprit qu'il soumettrait à Jessie quelques uns de ses manuscrits, des nouvelles qu'il écrivait de temps à autre.

   Mais ce qui avait accru la déconvenue d'Arlette c'était d'avoir découvert que Sébastien avait dégoté la fille le soir d'un quatorze juillet au bal des pompiers d'une commune de la communauté urbaine.

   Que n'avait-elle jeté son dévolu sur un sapeur, carré, musclé, moustachu, mais pourquoi moustachu d'ailleurs, les filles ça aime les uniformes, les mecs du calendrier, les tablettes de chocolat, elle aurait au moins pu s'offrir un capitaine, un commandant, un lieutenant-colonel ça prolifère dans les services départementaux d'incendie et de secours, qui sont autant d'armées mexicaines.

   Mais ressasser n'était que ressasser, ressasser s'est se complaire et s'enfoncer. Toujours est-il que l'on en était là, certes eux les Villepou ils n'avaient pas bâti de châteaux en Espagne mais ils avaient consolidé le cap de leur existence, esquissé une perspective de retraite heureuse considérant l'avenir de leur fils assuré. Aussi avaient-ils abdiqué devant le choix sentimental de Sébastien mais du tout bout des lèvres.

   Après tout c'était quand même l'affaire de Sébastien, il était majeur, c'est lui qui faisait sa vie, et avait un métier ratiocinait Arlette, mais quand même, oui quand même... Charles et elle avaient travaillé dur pour acquérir leur statut de fonctionnaires territoriaux et par là même un statut social honorable, pour acquérir une identité et une reconnaissance sociales, un patrimoine et assurer l'avenir de leurs enfants.

   Mais en fait d'enfants pluriels ils n'en n'avait eu qu'un, l'accouchement de Sébastien s'était mal passé suite notamment à une intervention tardive du gynécologue provoquant une dramatique hémorragie et une oblation irréversible.

      La vie n'est pas ce long fleuve tranquille, médiocre apophtegme que chacun avance pour se la jouer cultivé et philosophe.

    Mais Arlette croyait malgré cet avatar cruel qui encore aujourd'hui lui remuait le ventre, qu'ils approchaient à l'idéal que tout couple bien conçu imagine pour lui et sa descendance intégrant les ingrédients classiques; la réussite, la santé, l'entente, les enfants, le bon choix de partenaire pour le fils ou la fille, les petits-enfants, l'accompagnement des petits-enfants, que l'on maternerait, que l'on garderait, couverait, irait promener au parc, emmènerait en vacances. Ce qui n'empêcherait pas Charles d'aller au golf, ou à ses parties de pétanque, et de plonger dans ses livres ou de manier le porte-plume.

     Alors oui développait Arlette, les parents étaient en droit d'exiger de leur filiation que celle-ci leur rendît la monnaie de leur pièce, de l'éducation qu'ils leur avaient assurée, c'est à dire que les enfants prolongeassent, consolidassent, voire amplifiassent, mais surtout qu'ils ne dilapidassent pas par des comportements irresponsables, immatures, et dans des amours ancillaires subalternes, impulsifs, au prétexte de vivre sa vie, de vivre ses propres aventures - dites, vous les parents vous avez su commettre vos erreurs, laissez-nous commettre les nôtres - ce capital durement amené et constitué au fil des années, et ainsi prendre le risque de déchoir irréversiblement.

   Il n'y a pas que l'absinthe de l'assommoir de monsieur Zola qui conduise à la déchéance.

   Arlette rêvait d'être la bonne-maman d'une petite fille, puisqu'elle avait eu un garçon. Elle la choierait, l'habillerait à sa guise, montrerait, exhiberait. Elle lui raconterait des histoires, lui apprendrait des fables de La Fontaine, à lire et à écrire. Et puis là tout partait en quenouille, tout était à refaire.

   Mais son Sébastien faisait ses apprentissages, et en séduirait d'autres, la preuve il avait séduit, elle le reconnaissait, une belle fille mais qui suintait le vice, elle l'aurait parié. Et cette Charlène soudain ... Certes Sébastien n'était pas la réincarnation d'Adonis, mais bon il n'était pas mal foutu, grêle peut-être, elle lui suggérait de faire de la muscu et puis a t-on entendu une mère dire de son fils il est moche, oh qu'il est un moche le petit bébé !.

    Charles Villepou lui était plus froid et plus lucide, il savait le visage atone de son fils, ses lèvres inexistantes, sa peau blanche et sans saveur, ses jambes longues velues et un peu torses, il pensait comme Arlette, il faudrait qu'il se mette à la musculation, oui concluait Arlette Villepou, ils étaient prêts à lui payer un abonnement dans une salle ad-hoc et il en séduirait certainement quelques autres plus solides intellectuellement ou peut-être moins mais qui auraient l'intelligence pratique et qui seraient moins cocotte, mais attention pas laide pour autant.

   Arlette se colla contre Charles Villepou dans le lit, collage technique à vertu thérapeutique, d'autres prennent du lait chaud avec du miel dedans pour mieux s'endormir.

                                                µµµ

1052013

A Suivre

    Tempêtes sous les crânes

.

   

Signaler ce texte