Journée en Dichotopie

Eo Urb

Sylvain PIERRE - 4 avril 2077

K-dinn cueillit une poire sur son balcon et traversa le salon sans prêter attention aux actualités diffusées sur les murs numériques. Dans sa chambre, assis en tailleur sur son lit, il hurle "Numis". Le portrait d'une femme de la société éponyme apparaît. K-dinn lui explique doigt collé au mur la nature de son problème. Après 10 mn d'échanges, la réparatrice lui confirme qu'il faut une intervention in situ.

Pendant ce temps, sa mère, Nia, consultante en marketing sensoriel finalise les principes de conception-production d'une nouvelle porte olfactive. Les têtes du producteur 3D s'agitent et esquissent progressivement une forme sculpturale au milieu de la pièce. Au gré de ses instructions, l'appareil corrige la forme naissante du prototype en cours de fabrication. "Connexion avec James, l'ergonome de Shanghai, et Pierre l'acousticien de Barcelone". Quelques secondes plus tard, ses deux partenaires apparaissent dans la salle sous une forme hologrammique. Ils échangent sur les derniers éléments à caler. "Dommage que je ne perçoive pas l'odeur" soupire James. Nia lui répond que l'odeur générée est fidèle à ce qu'elle imaginait et elle rappelle que la réunion en réel avec le client se tient à Kworkin dans 30mn. Aussitôt, elle commande à haute voix "un Taxico pour Bastille". Alors qu'elle s'apprête à partir, elle croise son fils :

-"Tu ne devais pas être à l'université aujourd'hui ?"

-"J'ai TP uniquement cet aprèm. Ce matin je regarde mes cours magistraux sur le worldnet. Y'a aussi un ingé qui vient réparer la fonction chauffage de mon wall numérique."

-"Bien, on voit çà ce soir mon chéri."

-"Ce soir, je pense que je serai à une fête. Je ne sais pas encore laquelle ni avec qui mais je ne pense pas qu'on se verra."

Nia sort de son immeuble. Un taxico vient se garer immédiatement face à elle. Le véhicule automatique sans conducteur comprend déjà 5 covoitureurs en train de manger autour d'une table centrale. Personne ne se connaît. Nia n'a pas l'esprit à discuter ni même à manger, elle doit encore peaufiner son speech pour la réunion. Pendant le trajet, deux covoitureurs descendent, un autre monte...

Arrivée à destination, elle se rend directement à l'espace de travail sur mesure qu'elle à commander, en suivant le fléchage animé sur ses lentilles. "Nia, votre réunion débute dans 10 mn" lui indique la nanopuce logée au creux de son oreille. Quand la porte s'ouvre à son passage, le producteur 3D au milieu de la pièce finalise le prototype envoyé quelques minutes plus tôt depuis chez elle. "Ambiance turquoise, configuration pour 15 personnes". En quelques secondes, les surfaces numériques du sol, des murs et des plafonds s'exécutent. La salle de réunion se personnalise. L'un de ses clients moscovites fait son entrée. La réunion peut débuter. Une dizaine d'autres partenaires apparaissent de manière hologrammique autour de la table. Une odeur de vanille issue de la porte olfactive commence à se dégager. Malgré la pluralité des langues des intervenants, les traducteurs simultanés des nanopuces permettent une compréhension uniformisée des discussions en russe.

Nia reçoit un appel de K-dinn qui patiente 5mn entre deux aéro-navettes pour Berlin. Par un habile frottement de ses puces intra-digitales, elle accepte la communication. Sans dire un mot, elle écoute puis interrompt la connexion sans que personne ne se soit aperçu de quelque chose. K-dinn comprend la situation. Il monte dans la navette. Un léger ting retentit dans son oreille confirmant la validité de son métropass, l'abonnement de mobilité entre les grandes métropoles.

La réunion finie, Nia se rend a pied chez un primeur, pèse quelques légumes frais, confirme de vive voix son achat au commerçant, puis s'en va. En franchissant la porte, un ting retentit dans son oreille. La validation de l'achat s'affiche sur sa lentille. Elle poursuit son chemin en regardant les publicités au sol et les animations personnalisées à son profil sur les vitrines numériques. Une promotion flash l'interpelle. Elle passe aussitôt commande sur la vitrine et demande que la livraison soit effectuée aujourd'hui au domicile de son père. Sans perdre de temps, elle appelle Nikola, son père qui réside à Bourges.

-"Papa, j'ai vu une promotion... Tu devrais être livré d'ici 2 heures par drone."

-"Nia, avec mes collocs, on ne sera pas encore rentré à l'appart'. Mais çà n'est pas grave, Marcuss notre androïde, réceptionnera la commande sur le toit de la résidence."

Pour un slowlander, il était étonnant que son père utilise autant ces nouvelles technologies.

De retour chez elle, Nia se connecte au magasin de vêtement binnzou de Sao Paulo. Une interlocutrice apparaît.

-"Bonjour Mme Mugler, souhaitez-vous voir notre nouvelle collection ?"

A ces mots, la totalité du mur se pare d'une vingtaine de modèles. Elle sélectionne une robe, puis une jupe, puis un tailleur d'un simple geste du doigt. Sans besoin de tourner la tête, elle se voit porter les vêtements choisis dans le miroir hologrammique...

Signaler ce texte