Jours sans rêves et nuits sans sommeil

alexandra-basset-9

J'attends toujours le premier rayon pour me désactiver. Les bourdonnements s'éteignent, le silence du jour neuf s'étale sur les murs. Les corbeaux ont fini leur bordel sonore de cris étranglés. Ils en font toujours des tonnes, comme s'ils voulaient nous faire croire qu'ils étaient les plus malheureux des oiseaux. Les scies des ouvriers crissent, on n'entend plus personne. Ils ont tous déserté. 



Ah non, ils sont tous affairés à donner une raison d'exister aux multiples infrastructures de la ville. Certains se prennent eux-mêmes en photo devant la statue d'un illustre personnage dont ils connaissent seulement la couleur du métal, et encore. Partout dans le métro, aux arrêts de bus, dans les commerces, des gens s'agglutinent devant des portes par lesquelles d'autres sont sensés sortir, pour le plaisir de la grande friction matinale. Les rues sont remplies de bénévoles humanistes qui conduisent les inoccupés vers les banques, pour faire des dons défiscalisés. Des personnes aux sourires sur les crocs vous distribuent de la paperasse avec, au choix, les faits divers d'hier, un bon de réduction pour la salle à transpirer, ou le menu du jour chez les mexicains du coin. Les gens du bar d'en face piochent des phrases toutes faites, dans des verres disséminés sur le comptoir, et les proclament à très haute voix. Parfois, ils se rendent compte de la stérilité de leurs propos alors ils terminent leurs interventions par une toux grasse. Seuls les enfants ont compris que cette mascarade n'avait aucun sens, alors ils hurlent, se tirent les cheveux et s'explosent la tête sur un toboggan. Riant puis pleurant de manière hystérique, les dents recouvertes de sang. Vous comprendrez bien qu'avec ce spectacle, n'importe qui voudrait se rendormir pour bâtir un monde nouveau.

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