Joyeux Anniversaire

Les rires et la musique lui parvenaient nettement par-dessus le mur qui bordait l'enceinte du Domaine des Plantes. Les propriétaires de ce vaste espace avaient organisé des festivités en l'honneur de leur fille cadette.

Il savait que Liv, pour qui était déployée cette orgie de mondanités, était probablement la plus mal à l'aise de tous au milieu de l'assemblée. Pour autant, c'était elle qui en avait décidé ainsi.

Ils s'étaient fréquentés quelques temps auparavant. Elle s'était laissée approcher, un peu par paresse, n'ayant pas vraiment l'envie ni l'énergie de le rabrouer à cette période. Mais aussi, surement, un peu par dépit et par besoin de se sentir désirée. Il avait alors eu l'occasion d'apprendre à la connaitre. Il avait même réussi à faire tomber certaines barrières qu'elle-même croyait jusqu'alors infranchissables.

Et rapidement, ils se laissèrent envouter par leur esprit et leur personnalité à l'un et l'autre, que leur beauté ne faisait que sublimer.
Ils savaient que leurs origines respectives étaient trop différentes, que des problèmes finiraient par se soulever si leur relation devenait sérieuse. Mais malgré cela, insidieusement, perfidement, les sentiments que l'un et l'autre sentaient s'ancrer en eux ne cessèrent de croître. Ils finirent par tomber réellement amoureux. Ils s'aimèrent alors pleinement. Fougueusement. Passionnément. Profondément. Ils se comprenaient. Ils se connaissaient. Il fut probablement le premier qui l'eut jamais vraiment connue. Peut être même plus qu'elle ne se connaissait elle-même.

Mais celle flamme fut trop forte. Trop intense. Trop brûlante.

Elle qui avait vécu toutes ces années à l'abris derrière ses murailles, s'est alors retrouvée avec un diable capable de pénétrer ses défenses sans qu'elle n'y puisse rien, et d'allumer un feu de joie risquant d'embraser tout ce qu'elle étouffait avec soin.

Elle fini alors par prendre cette terrible décision. Celle de l'abandonner, lui, qui réchauffait son cœur autant qu'il menaçait de le carboniser. Elle n'était pas capable d'absorber une telle quantité d'amour. C'était trop tôt. Trop grand. Trop intense. Trop effrayant. C'était trop...

Il l'imaginait, sublime, apprêtée pour la soirée, et pour son nouvel amant. Mais il ne pouvait participer. Il ne pouvait se montrer. Il craignait trop la réaction qu'elle pourrait avoir en l'apercevant. Il ne voulait pas gâcher ses efforts. Il voulait qu'elle puisse cicatriser.

Pourtant, la Lune seule savait à quel point elle lui manquait. A quel point il pensait à elle. A quel point il désirait qu'elle sache qu'il était là. Encore. Toujours.

Il tourna finalement au coin de la rue, avant de retirer sa capuche et son foulard dont il s'était couvert pour se fondre dans les ombres, le temps de se faufiler dans la chambre de Liv quelques minutes plus tôt.

Cela faisait plus de deux heures qu'elle recevait compliments et attentions pour sa soirée, si bien qu'elle sentait sa tête bourdonner et ses tympans pulser, aidés par la boisson. Elle s'était éclipsée discrètement en direction de sa chambre le temps de respirer quelques minutes.

Elle sentit un courant d'air alors que le rideau de sa fenêtre se balançait faiblement. Elle s'étonna de l'avoir laissée ouverte. Elle la referma distraitement avant de se diriger vers son lit sur lequel elle s'écroula face à l'oreiller, sous lequel elle glissa ses mains pour le serrer.

Elle senti un papier sous ses doigts.

Elle se redressa en allumant sa lampe de chevet.

Son coeur sauta un battement avant de s'accélérer.

Elle reconnaissait l'écriture qui avait tracé les lettres de son prénom.

Elle resta quelques instants à fixer la lettre, sans oser bouger.

Après une longue inspiration, elle finit par l'ouvrir du bout de ses doigts tremblants. Elle en sorti un simple bout de papier sur lequel était écrit "Joyeux anniversaire". Elle le retourna, et reconnu sa façon de lui transmettre des titres de musiques qu'il voulait lui partager. "Little Boy - Vance Joy" et "Alone with me - Vance Joy" étaient écrit au milieu.

Pas de signature. Pas de souhait. Pas de mot personnalisé.

Elle n'en avait pas besoin.

Elle le connaissait.

TTR.