Jusqu'ici tout va bien

petitepepite

       C'est pas hyper facile. Je veux dire, de vivre. Il y a trop d'obstacles, c'est un combat continu, une bataille infernale avec soi-même. La petite, là, elle pouvait plus. Oh non, trop de tourments dans sa tête, elle a baissé les bras. C'est humain, tu me diras. Elle fait partie de ceux qui sont nés avec cette incapacité à gérer le trop plein d'émotions. Alors maintenant, depuis qu'elle a un peu vu comment tournait le monde, elle cherche à éviter les gens. Elle les fuit. Rares sont ceux qu'elle laisse entrer dans son monde. Trop de peur, trop d'appréhension, trop de déceptions inévitables. C'est sa carapace à elle. Elle n'hésite plus à vivre pour elle, et plus à travers les autres. Elle sait que tout peut s'arrêter à tout moment, que la vie peut foutre le camp. Je ne sais comment elle fait pour vivre avec cette peur de l'abandon en permanence. C'est certainement invivable. Mais elle le fait. Chaque matin, elle se lève, elle boit son café, elle claque la porte de sa résidence et s'avance dans la rue. Chaque matin elle affronte ses peurs, ses angoisses, ses hontes. Elle tente de les enfouir au plus profond d'elle-même et faire comme si.

        Rire, parler, écouter, s'intéresser, la petite pépite a renoncé au malheur, elle veut juste vivre. Retrouver le goût de vivre. Toutes ces choses qu'elle aime faire. Vadrouiller partout, avec son sac à dos. Traîner dans les librairies. La première gorgée du café brûlant le matin. Marcher sous la pluie avec son ciré jaune. Faire des plans sur la comète. Rêver qu'un jour elle partira sur un coup de tête, seule ou accompagnée. Fumer sa cigarette le matin, près du métro. Penser que la nuit est plus belle que le jour. Sortir dehors et porter à ses lèvres un verre de Chardonnay. Bouger les meubles de sa chambre. Ecrire dans des carnets. Découper des images, les coller au mur. Ecouter les Cure à s'exploser les tympans. Aimer le cinéma beaucoup trop. Dessiner partout, dessiner tout le temps. Noter des phrases dans son téléphone quand elle les trouve jolies. Toutes ces choses et tant d'autres encore.

       En attendant elle tient. Les gens disent de la petite pépite qu'elle est méconnaissable, voire métamorphosée. Ils disent tous que la petite va mieux. " Vu dans quel état tu étais avant, c'est dingue ". Ouais, complètement dingue. Truc de fou. Incroyable. Elle entend ces commentaires sans intégrer qu'on parle d'elle. Ils ne savent pas qu'elle tremble à l'idée que tout recommence. Qu'elle vit avec cette peur que tout l'accable de nouveau. Qu'un jour il faudra arrêter le traitement, et qu'elle n'est pas certaine d'avoir les armes nécessaires. Un jour il faudra de nouveau se débrouiller seule, dans la jungle sociale. Et ça, la petite pépite ça l'inquiète un petit peu.

  • Texte émouvant et drôlement bien écrit

    · Il y a presque 7 ans ·
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    nehara

  • Un jour mon médecin me conseillait d’arrêter les antidépresseurs, que je prends depuis des lustres, en me tenant un discours philosophique. « Monsieur Lénervé, ce que vous êtes par votre traitement, ce n’est pas vous, vous voyez ! » Qu’est-ce que j’en ai bien à foutre de ce que je pourrais bien être intrinsèquement. Moi, je ne vois que la différence. Sans médoc je suis une loque, avec, tout va bien, je me trouve même pas si mal et la vie acceptable. Alors, les médecins devraient rester des médecins et ne pas se prendre pour des philosophes. J’ai changé de généraliste, j’en ai pris un qui fait de la médecine ! Puis Labori n’a pas inventé les psychotropes pour ses rats de labo.

    · Il y a presque 7 ans ·
    Photo rv livre

    Hervé Lénervé

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