juste une illusion
billie
Juste une illusion
« L’un sera pris, l’autre sera laissé » dit la Bible. 21 déc. 2012, tant de prédictions apocalyptiques sur cette date maudite. Avant le 21, je pensais finir noyée dans un raz de marée, ou bien écrasée sous les ruines d’un tremblement de terre, ou quand même mieux, épargnée avec une poignée de chanceux ayant su résister aux émeutes.
Car avant cette date, les gens sont devenus fous. Très énervés, beaucoup volent, violent, incendient allant jusqu’à tuer. Mais rien, rien du tout, à part une petite tempête par ci, un petit tremblement de terre par là.
Quelques jours après la date fatidique il fait même beau. C’est le 24. Avec tout ça, on en a oublié Noël. Certains se précipitent sur ce qui reste dans les magasins détruits par les révoltes afin de s’offrir un semblant de réveillon. D’autres prient, n’importe où, remerciant je ne sais qui de cette fausse alerte.
A dix-sept heures, alors que le soleil se couche, paisible, je pense pouvoir encore offrir une fleur à ma mère, un petit quelque chose. A la place, je meurs, je meurs de peur sur le parvis des magasins. Cette vision, je ne l’oublierais jamais. Le ciel s’ouvre, se déchire comme on enlève un emballage cadeau. Joyeux noël ! Ils sont là, les yeux sont là, des yeux, énormes et une bouche, un visage, des bras, des gens, gigantesques à m’espionner, à nous observer, pauvres mortels idiots que nous sommes, nos misérables cadeaux, saumon fumé et foi gras dans nos paniers.
Ces personnes démesurées nous épient dans ce qui nous sert de ciel. Un drap. Le ciel est un drap bleuté. Il faut bien le croire sans défaillir. Je l’ai vu. Tiré, ils l’ont tiré et se sont montrés. Le soleil, je ne sais pas ce que c’est finalement, un monstrueux projo ? Je ne vois pas quoi d’autre, mon cerveau n’arrive pas à analyser l’impensable, mon cœur bat trop vite sans se rompre. Un instant de frisson extrême, je me sens rat dans un labo. Horrible. Les pauvres gens qui voient la même chose que moi hurlent à ces visions, se prennent la tête entre les mains, se frappent la poitrine, moi j’en reste sans voix.
Le pire, ce sont les fils, ces fils qui apparaissent, partout, qui nous relient à eux, partant de notre nombril et finissant dans ce faux ciel. Le mien, celui des autres. Le fil, couleur argent, je peux le traverser, il ne se coupe pas, je peux me retourner, il est toujours là, incassable. Incassable par nous, mais pas par eux. On l’a vu, je l’ai vu. Devant moi, une femme se met à hurler, une énorme main se penche et coupe son fil, elle s’écroule immédiatement. On reste là, incrédule à la regarder, puis quelqu’un s’approche, prend son pouls et dit « elle est morte ». C’est pire ! Pire que tout ! A partir de là les gens crient, braillent, s’écroulent en sanglots terrifiants. Pour les faire taire, là-haut, ils coupent les fils au hasard. L’hécatombe, l’incompréhension. Moi je pars, loin, loin devant moi en courant comme une folle sans me retourner, sans crier, en espérant qu’ils m’oublient, qu’ils ne me voient plus, ceux qui tirent les ficelles.