KOONS NOUS PREND PAS POUR DES CLOWNSSES
Christophe Paris
Expo de 7 à 77 ans . Une rétrospective controversée clinquante et variée qui brouille les cartes. Une approche qui semble facile, des symboles basiques détournés, des matières qui en sont d'autres, des photos qui n'en sont pas, le passé qui fornique avec le présent. Un artiste qui questionne l'aujourd'hui avec une démarche de nos lendemains. Le sens bascule et vos pensées se bousculent.
Avec Koons, le soucis ce sont les sous. Impossible d'entendre parler de l'artiste sans que ses œuvres ne soient couvertes de billets avec une tête de vieux dessus, même si Jeff affirme n'y prêter aucun crédit. Oubliez l'argent et abordez ses réalisations à leur juste valeur, la vôtre. Oubliez que le personnage ne met pas la main à la pâte, lui qui fait réaliser ses œuvres par d'autres. Mais reproche t-on aux architectes de ne pas construire leurs bâtiments avec leurs mimines ?
Votre tête est vide toute prête à se remplir et vos yeux tombent sur de petits lapins et marguerites en plastique gonflé. Derrière, un mini miroir, dont l'axe incliné vous transforme tout ça en bite en fleur dans le reflet. Je tourne la tête et je croise le regard d'une shampouineuse Hoover verticale aux brosses judicieusement disposées en visage. Tout autour pleins d'aspirateurs, tout plein d'aspirateurs. Koons pense que seul l'art révèle le vrai potentiel de chacun, ça donne envie de s'y mettre et de faire une brocante. Collées aux murs sur des éclairages 60's, toasteuse et teapot se volent la vedette pour savoir qui est la plus belle. Difficile de le dire dans le miroir de the christ and the lamb. Mettez-vos solaires ça flashe. Un cadre fantasmagorique torturé de multiples contours et glaces qui aurait sans doute plu à Cocteau. Je passe rapidement Equilibrium ou le créateur fustige les stéréotypes du sport c'est la santé. Des ballons de baskets en suspension (Regardez le bac a moitié rempli désaxé et placez-vous doucement pile en face), joueurs de baskets en divinités et deux trois autres objets au faux bronze fatigué. L'œil est ensuite attiré par un petit train chromé pas si miniature que ça de 4 mètres sur 30 cm de haut. Un train à vapeur et ses wagons, symbole sans doute (entre autre), d'une conquête américaine sanglante, celle de la richesse. Koons est très sensible aux différences de classes sociales quel qu'en soit le biais. En l'occurrence dans luxury et degradation il met en exergue via le thème de l'alcool une publicité à deux vitesses. Pour les nantis, du graphique abstrait, pour les moins que rien du figuratif, atomisant ainsi un dédain toujours présent de nos jours.
Le concepteur regarde le monde et tente de le résumer au travers de deux bustes, un lapin ballon pas crétin, un Bob Hope à grosse tête, et deux mômes, tout ça bien chromé. Mister Jeff estime que seul l'art laisse une trace de l'humain. Aurait-il choisi l'acier poli et son aspect qui gomme toute connotation sociale pour sa pérennité, et laisser son empreinte dans le temps à la manière de ce Louis XIV à l'air hautain. Il est d'ici et semble pourtant d'ailleurs sous le regard mélancolique du buste de femme italienne. Surprenant de voir à quelle point une matière aussi froide, difficile à gérer en lumières et reflets soit capable d'autant de profondeur et de vie dans le regard.
Oh bah.... vous êtes tout bleu maintenant ! Avec une petite tête, un gros bidon, et des jambes de personnes de petites tailles. C'est votre reflet dans cet énorme rond faussement gonflé à bloc, la lune, comme un cœur de tournesol bleu comme une orange... C'est walking on the moon si vous êtes seul accompagné des néons qui s'y reflètent en se rêvant étoiles. Une légère solitude bleutée tittille vos pensées pendant que votre reflet se distortionne en marchant, il n'y a plus que la gravité qui vous tienne au sol. Vous vous retournez et ça ne va toujours pas mieux. Vous avez rétrécit et votre image se dilate dans les formes arrondies d'un chien géant tout rose en ballons de baudruche. L'illusion est parfaite tout le monde veut toucher alors qu'en fait il s'agit d' acier inoxydable poli pesant des tonnes, l'effet ballon venant juste des pliures parfaitement réalisées. L'animal vit par votre image qui s'y déforme et vous le rend bien. Fausse légèreté de l'objet ou du sens comme le chat dans sa chaussette aux allures de capote accrochée à deux marguerites. Je tombe sur Michael Jackson blanc avec un singe blanc le tout en vestes dorées. Lui, il fait parler autour de moi... de la provoc' façon porcelaine, efficace et « borderline ». Titi, le homard, Hulk, avec lequel tout le monde fait son selphy, la visite du grand baz'art continue. Un cadre magnifique façon collage avec un superman dedans, mais une huile en réalité. Celui-là on le prendrait bien dans son appart. La visite se poursuit par des toiles qui n'en n'ont pas l'air et qui sentent le cul sans en voir, à d'autres qui ont la même odeur avec le visuel en plus, ça date un peu. Ces cadres de jouets de mômes, de loin on jurerait des photos dès qu'on s'en approche on perçoit le travail, toujours à l'huile et ultra méticuleux dans la méthode que je vous laisse découvrir sur place via le dépliant. Vif en couleurs, bleuffant sur l'instant. De là à passer des heures dessus un soir d'hiver y'a de la marge. Koons partage avec la gent féminine l'idée que la taille ça compte quand même. Plus de la moitié des créations présentées sont de dimensions plus que respectables voire imposantes. Référence au classicisme ou mise en réduction de nos egos, l'impact est réel et très agréable . Comme sur antiquity qui porte bien son nom. Tableaux et « sculptures » s'y tirent la couverture, celle de ces deux danseuses à la Degas, over kitch, chromées et colorées. Difficile de dire qui s'en sort le mieux, il faut sans doute demander à Hercule et à sa magnifique boule de « cristal » bleu Klein ou bien à cette Venus ballonnée de partout. On pense à l'Afrique, à l'antique, devant cette sorte de divinité céleste dont je vous laisse deviner ou se trouve l'embouchure du ballon... Fin de la visite. Merchandising. Y'a de quoi faire... J'y pense et puis j'oublie. Je sors à la fois amusé, interloqué, dubitatif, admiratif et enjoué. Comme ceux qui m'accompagnent de leurs commentaires dans l'escalator en entendant brailler au loin un type crier au scandale. Nous sommes tous comme les fromages, nous avons chacun un goût différent. Moi je dis merci Jeff, merci Mr le centre Pompidou.
Bonjour!
· Il y a presque 10 ans ·Ayant moi-même dû écrire un article sur Jeff Koons et ayant reçu une morale dans les formes (et sans surprise) sur la honte qu'est Koons à l'art contemporain, je voulais savoir si d'autres personnes avaient écrit sur cette rétrospective, sans pour autant crier au scandale. Et je suis tombée sur votre chronique. Je découvre avec plaisir votre style et suis agréablement surprise de voir que certains s' expriment encore avec leur coeur, sans prôner une bonne morale économique de l'art. Et sachant encore faire usage de l'ironie, surtout.
Merci! Et je vais lire d'autres articles avec plaisir! :)
Cécile Parise
oh quel gentil com, fait très plaisir car écrit dans l'esprit que tu décris, (oui je tutoie c'est plus facile en conjug') c'est chouette d'être lu comme ça, merci, sincèrement... je viens de le lire trois fois :)
· Il y a presque 10 ans ·Christophe Paris
et c'est toujours super! merci Christophe. Je me retrouve dans ton écriture encore, cette manière de mêler le regard et l'objet, le sentiment et l'objet, l'imaginaire et le réel, et ta promenade que j'imagine complétement circulaire. J'irais voir. J'éprouverais sans doute pas tout cela et ta phrase sur ton état d'esprit est vraiment génial. On a jamais assez d'adjectifs pour rentrer dans les nuances. Je vais te faire un coup de coeur. Tu l'as bien mérité.
· Il y a presque 10 ans ·elisabetha
je l'ai pris avec bonheur ce coup de coeur merci de ce très large commentaire tes derniers textes sont super beaux merci ça fait très plaisir et en plus ton analyse sur comment je me projète dans l'expo est tout à fait juste bijes mais ainourmes
· Il y a presque 10 ans ·Christophe Paris