La Bête et la Belle - Thierry Jonquet
Rod Lediazec
Récemment sur Nantes, j'y retourne ce week-end, l'ami Bernard m'a offert quelques séries noires dont un Thierry Jonquet en me disant grand bien, « La Bête et la Belle ».
Je connaissais Jonquet de nom, mais je n'avais rien lu de lui. C'est bien la peine de clamer qu'on aime le polar et de négliger le local, sous prétexte de Chester Himes, James Ellroy et autres Dashiell Hammett.
Même les amateurs de caviar n'en consomment pas tous les jours !
Comme il n'est jamais trop tard pour combler ses bêtises, j'ai lu le Jonquet aussitôt revenu. J'ai aimé le style d'écriture et la façon qu'il a de jouer avec les miroirs, de vous y guider à l'intérieur avec des armes qui lui sont familières.
L'histoire n'étant que le support sur lequel on colle l'adhésif d'un univers qui nous est commun et que l'auteur distille l'air de rien, un peu à la façon d'une parabole mettant aux prises le conteur et le lecteur-témoin, je me suis embarqué dans une croisière à la Costa, sachant d'avance que vous ne coulerez pas avec le mastodonte, c'est tout le plaisir du frisson : à vous de voir si ce conte est une histoire imaginée où le fruit pourri d'un arbre dénaturé !...
Il y a là un cité-champignon, une usine de bagnoles avec des plans sociaux, comme on dit maintenant, pour parler de licenciements massifs, il y a des pneus qui brûlent dans les cerveaux et des cerveaux qui se consument à force de tourner en rond.
Il y a une nature absente et du béton qu'on coule à la place des champs de blés. Il y a la vie, les rêves et la mort qui rôde. A chaque pas, le survivant peut se vanter d'avoir réussi un miracle : survivre !
Il y a, bien sûr, un commissaire blasé qui rêve de retraite dans son mont Ventoux natal, qui aime le boulot bien fait, même si ça le fait chier de brasser du vide dans la fosse à purin du côté de la Normandie.
Il y a un Coupable, un témoin muet, des poubelles à ne plus savoir qu'en faire, des morts à alimenter le quotidien des faits-divers et des crépuscules qui ne veulent pas s'en aller sans imprimer une trace durable dans les annales du subconscient collectif.
Il y a, aussi, un « emmerdeur » dont on ne sait rien d'autre que la gamelle dans laquelle il graille est pleine de bactéries ! Dégueu.
Tout ça, jusqu'au rebondissement final, que vous découvrirez en le lisant.
J'ai découvert Jonquet il y a quatre ou cinq ans et j'ai ressenti la même chose. Merci de m'avoir (re)donné l'envie de le lire !
· Il y a environ 12 ans ·Mathieu Jaegert