La Boîte de Pandore
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On raconte qu'un jour Zeus, le roi des Dieux, le seigneur de l'Olympe, le maître des cieux, offrit à sa fille, Pandore, c'était son nom, une boîte contenant tous les maux de l'humanité et qu'il lui interdit d'ouvrir. Mais ce n'est pas le cas de cette histoire.
Dans cette histoire, Pandore reçut de son père une boîte vide. Ne savant que faire de cette boîte, la jeune fille interrogea Zeus qui lui conseilla :
« Enfermes-y toutes tes émotions négatives. Caches-y tes larmes, ou tu risquerais. Enfouis-y tes cris et ta rage, ou tu risquerais de blesser Héra. Terre-s'y ta déception, ou tu risquerais d'attrister Héra en lui faisant croire qu'elle n'est pas assez bien pour toi. Et surtout, ne l'ouvre sous aucun prétexte. »
Suivant ainsi le conseil de son père, Pandore rangea dans la boîte ses larmes, ses cris et sa déception, ne gardant pour elle que des émotions positives. Et, pour ne jamais être tentée de désobéir à Zeus, elle s'ouvrit la poitrine, cacha la boîte derrière son cœur et entoura le tout de puissantes chaînes qu'elle fixa d'un cadena doré.
Mais, ne savant que faire de cette dangereuse clé, Pandore demanda à nouveau conseil à Zeus :
« Il existe un village, lui répondit ce dernier, qui possède en son centre le puits le plus profond du monde. Jettes-y cette clé dorée que tu tiens là. Suit les étoiles de la clairière céleste, remonte le ruisseau d'argent, et traverse l'épaisse forêt noire, et tu trouveras ce puits. »
Ainsi, Pandore entreprit son long voyage, le sourire jusqu'aux oreilles, les orteils dansant, n'oubliant pas cependant d'emporter avec elle émerveillement, enthousiasme et confiance, les seules émotions qui lui restaient à présent et qu'elle avait préalablement empaquetés dans un petit panier.
Bientôt, tandis que le soleil embrassait la terre et que commençait à pointer à l'horizon un croissant de lune brillant, elle atteignit une petite clairière auréolée de lumière qu'elle devina être la fameuse clairière céleste dont lui avait parlé son père. Se rappelant de ses conseils, elle leva les yeux vers le ciel mais fut rapidement déçue par l'absence d'étoiles dans cette voûte orangée. C'est à ce moment-là qu'un centaure apparut :
« Pandore, petite Pandore, que fais-tu ici dans cette petite clairière ?
— Je cherche le puits le plus profond du monde pour y jeter cette clé que je porte autour de mon cou pour que je ne sois jamais tentée d'ouvrir la boîte de mon cœur dans laquelle sont enfermées toutes les mauvaises émotions. On raconte qu'en suivant les étoiles de cette clairière, je trouverais mon chemin. Hélas, grand centaure, je ne vois aucune étoile. »
Le centaure rit de sa naïveté.
« Pandore, petite Pandore, il te suffit d'être patiente. Regarde le ciel ! Le soleil est en train de se coucher, et bientôt, ton guide apparaîtra ! »
Écoutant les paroles du centaure, Pandore regarda le ciel et attendit. Le temps passa et passa, et le soleil disparut sous la terre rapidement gagnée par une obscurité que la lumière de la lune transperçait, avec, tout autour d'elle, des milliers de milliards de petits diamants resplendissant, constellant le ciel de leur éclat. Mue d'admiration face à tant de beauté, Pandore resta là un long moment à contempler les étoiles, tant et si bien qu'elle ne vit pas la nuit passer, et qu'en une fraction de seconde, le jour se leva à nouveau. Le centaure, que l'insouciance de la petite fille avait irrité, gronda :
« Pandore, petite Pandore, voit comment ta candeur te dessert ! Plutôt que de profiter de la courte apparition des étoiles pour poursuivre ta route, tu as préféré les contempler toute la nuit durant, et te voilà maintenant coincée une journée de plus dans cette clairière ! »
Et, prenant l'émerveillement dans son petit panier :
« Crois-moi, cette émotion est définitivement néfaste pour toi, ouvre-moi ton petit cœur que je puisse l'y ranger. »
Pandore enleva alors sagement la clé qui pendait à son cou et, ouvrant son cœur, en sortit la boîte dans laquelle le centaure fourra immédiatement la petite pochette pleine d'émerveillement.
« Va, maintenant petite Pandore. Le puits se trouve dans cette direction. Mais surtout, prend garde à rester sur le sentier et ne te laisse pas distraire. »
La petite fille reprit donc sa route, veillant bien à ne pas sortir du sentier comme le lui avait dit le centaure et lorsqu'elle finalement elle entendit la douce mélodie de l'eau ruisselant, elle sut qu'elle avait atteint le cours d'argent. À présent, il ne lui restait plus qu'à le suivre pour atteindre l'épaisse forêt noire. Voyant le but de sa quête approcher, elle se mit à gambader joyeusement le long du ruisseau, quand soudainement elle fut attirée par une charmante musique. Un faune munit d'une flûte de pan apparut alors devant ses yeux.
« Pandore, petite Pandore, que fais-tu ici près de ce cours d'eau ?
— Je cherche le puits le plus profond du monde pour y jeter cette clé que je porte autour de mon cou pour que je ne sois jamais tentée d'ouvrir la boîte de mon cœur dans laquelle sont enfermées toutes les mauvaises émotions. On raconte qu'en ce ruisseau d'argent, je trouverais mon chemin. Que tiens-tu donc là, gentil faune ? »
Le faune montra l'objet qu'il tenait dans ses mains.
« C'est une flûte de pan ! Et comme tu peux l'entendre, dit-il en soufflant dans l'instrument, il peut faire de la musique ! Veux-tu essayer ? »
Pandore saisit la flûte qu'il lui tendait et commença à en jouer. Elle n'était pas très douée, mais la cacophonie de bruits aléatoires qui sortait de ces petits roseaux attachés entre eux l'amusait beaucoup, tant et si bien qu'elle ne parvenait pas à s'arrêter et que, sans s'en rendre compte, ses pieds se mirent à danser toute la journée. Se laissant emporter par la musique, elle s'imaginait déjà jouer de la flûte à Zeus ainsi qu'à Héra au retour de son périple. Le faune, que l'amusement de la petite fille avait énervé, gronda :
« Pandore, petite Pandore, voit comment tes plaisirs te desservent ! Plutôt que de longer le cours de l'eau pour atteindre ton but, tu as préféré t'amuser toute la journée durant, et voilà que tu n'as pas avancé d'un seul pouce ! »
Et, prenant l'enthousiasme dans son petit panier :
« Crois-moi, cette émotion est définitivement néfaste pour toi, ouvre-moi ton petit cœur que je puisse l'y ranger. »
Pandore enleva alors sagement la clé qui pendait à son cou et, ouvrant son cœur, en sortit la boîte dans laquelle le faune fourra immédiatement la petite pochette pleine d'enthousiasme.
« Va, maintenant petite Pandore. Le puits se trouve dans cette direction. Tu ne devrais plus avoir de mal à le trouver maintenant, puisqu'il te suffit juste de suivre le ruisseau sans te laisser distraire. »
La petite fille reprit donc sa route, veillant bien à rester aux abord du courant comme le lui avait dit le faune, et lorsque finalement les racines épaisses sortirent de terre et les feuilles des arbres couvrirent le ciel, elle sut qu'elle avait atteint l'épaisse forêt noire. Voyant que le but de sa quête approchait, elle continua à marcher tranquillement à travers les bois, quand soudainement, elle trébucha contre une racine et tomba sur un énorme rocher plat, lâchant au passage son panier qui s'écrasa au sol.
En se relevant, Pandore remarqua au loin une petite pochette. C'était la confiance, elle l'avait fait tomber. Elle la ramassa, et se rendit compte que la pochette était toute déchirée, et la confiance toute amochée. Pandore sentit les émotions remuer au fond de son cœur, et, sachant qu'elle ne devait surtout pas les sortir, fit tout ce qu'elle put pour les réprimer. Elle regarda à nouveau la pochette de confiance. Elle était vraiment dans un sale état.
« Pandore, petite Pandore, se dit-elle, que fais-tu ici dans cette forêt ? Regarde comme ta maladresse te dessert ! Plutôt que de prendre soin de la seule bonne émotion qu'il te restait, et voilà qu'elle est en morceau à présent. Mieux vaut faire attention à l'avenir, ouvrons ce petit cœur pour que je puisse l'y ranger. »
Pandore enleva alors la clé qui pendait à son cou et, ouvrant son cœur, en sortit la boîte dans laquelle elle fourra immédiatement la petite pochette pleine de confiance. Trop longtemps cependant pour garder enfermer tristesse, colère et déception qui bouillonnaient de sortir après être restées prisonnières tant de temps.
Aussitôt, elles encerclèrent Pandore qui se laissa emporter par les émotions.
Elle pleura, triste en voyant qu'elle se faisait attaquer ainsi par ses propres émotions.
Elle cria, énervée en voyant qu'elle ne réussissait pas à les rattraper pour les remettre dans la boîte.
Elle tapa du pied sur le sol, déçue en voyant qu'elle n'était pas parvenue à les contenir comme le lui avait demandé Zeus.
Lorsque les émotions se calmèrent enfin et qu'elle réussit à les remettre dans la boîte, une grande lassitude la saisit. Alors, elle s'allongea sur le rocher et s'endormit profondément, soulagée, car au moins, personne ne l'avait vu relâcher ainsi ses mauvaises émotions.
Pandore se réveilla plus tard au son d'une cloche qui lui rappela pourquoi elle était venue jusqu'ici. Le village. Le puits. Le clocher ! Si elle entendait le clocher du village de là où elle se trouvait, alors sa destination ne devait pas être loin. Rassemblant les dernières forces qu'il lui restait, elle reprit son panier vide et se traina lentement jusqu'au village. Mais quelle ne fut sa surprise lorsqu'elle se rendit compte que les rues étaient en fête ! Les maisons et le clocher étaient décorés jusqu'à la cheminée, la musique résonnait jusqu'aux cieux et battait au rythme de son cœur, et les allées étaient remplies de gens riant, s'amusant, dansants et discutant de tous les côtés.
Fut un temps, Pandore se serait émerveillée des couleurs chatoyantes qui paraient portes et fenêtres.
Fut un temps, Pandore se serait défoulée au rythme de la musique entrainante.
Fut un temps, Pandore se serait lancée dans une discussion passionnante avec un de ces inconnus.
Mais Pandore n'était venu ici ni pour s'émerveiller, ni pour s'amuser, ni pour discuter. Elle avait une mission, et elle avait bien l'intention de la remplir. De toute façon, elle n'avait pas la force de se joindre à la fête.
Pandore continua donc sa route à travers musiciens, danseurs et marchands en direction du puits le plus profond du monde, mais son voyage fut quelque peu entravé par une foule particulièrement dense rassemblée autour de quelque chose qu'elle ne pouvait voir et qui bloquait son chemin. Elle joua donc des pieds et des mains pour se faufiler, lorsqu'elle aperçut tout à coup, au milieu de toutes ces personnes, une magnifique nymphe qui riait, dansait et chantait sous les regards admiratifs des passants et, sans s'en rendre compte, Pandore s'arrêta.
Certains présents ce jour-là racontent qu'en remarquant sa présence, la nymphe s'arrêta de danser et lui demanda :
« Pandore, petite Pandore, que fais-tu ici ?
— Je cherche le puits le plus profond du monde pour y jeter cette clé que je porte autour de mon cou pour que je ne sois jamais tentée d'ouvrir la boîte de mon cœur dans laquelle sont enfermées toutes les mauvaises émotions. On raconte que ce puits se trouve au centre de ce village. Belle nymphe, pourriez-vous m'indiquer le chemin ? »
Sans un mot, la nymphe saisit le bras de Pandore et la conduisit jusqu'au puits le plus profond du monde. Et, s'asseyant sur le rebord du trou :
« Pandore, petite Pandore, voici le puits le plus profond du monde. Mais, avant d'y jeter quoique ce soit, voudrais-tu bien me dire ce que tu comptes faire de cette grosse poche que je vois-là dans ton panier ? »
Étonnée, Pandore regarda son panier et se rendit compte qu'effectivement il restait bien une grosse poche dans son panier. Mais loin de ressembler aux jolies petites pochettes raffinées qu'elle avait elle-même fabriquées, celle-ci était laide, rugueuse et aussi lourde que du plomb.
« Qu'est-ce que c'est ? Demanda-t-elle.
— Il s'agit de ton angoisse, petite Pandore, lui répondit la nymphe d'une voix douce. Je crois bien qu'à force de contenir toutes tes émotions dans cette si petite boîte, elle a fini par s'accumuler dans ton panier. Fais attention, car si cette poche continue de se remplir, elle deviendra bientôt si grande et si lourde que tu ne pourras plus avancer.
— Mais… Que puis-je donc faire alors ? Je suis venue ici pour y jeter la clé de mon cœur ! Mon voyage aurait-il été inutile ? »
La nymphe lui répondit d'un sourire apaisant.
« Pandore, petite Pandore, veux-tu bien me confier la clé de ton cœur un instant ? »
Pandore enleva alors sagement la clé qui pendait à son cou et la tendit à la nymphe qui aussitôt ouvrit son cœur, et en sortit la boîte. Non pas pour y fourrer son angoisse, comme l'avait fait jusqu'à présent tous ceux qui l'avaient rencontrée, mais pour rendre leur liberté à toutes les émotions que Pandore avait jusque-là enfermées. Émerveillement, enthousiasme et confiance se mirent alors à danser autour de Pandore, accompagnées de tristesse, colère et déception sans pour autant qu'elles ne l'attaquent, et dès lors, la poche d'angoisse disparut, s'évapora dans les airs comme si elle n'avait jamais existé.
« Toutes ces émotions ne sont en rien négatives, petite Pandore, lui dit alors la nymphe, elles font partie intégrante de toi, et tu dois les accepter. Alors, petite Pandore, pleure quand tu as envie de pleurer, cris quand tu as envie de crier, et ris quand tu as envie de rire ! »
Et sur ces mots, la nymphe jeta la boîte et la clé dorée dans le puits le plus profond du monde.
« Viens maintenant, petite Pandore, viens danser avec moi !
— Mais, je ne connais même pas ton nom.
— Mon nom ? »
La nymphe sourit à nouveau. Un sourire aussi rayonnant que le soleil et aussi paisible que la lune.
« Lâcher-Prise. Je m'appelle Lâcher-Prise. »
FIN
Une merveille de douceur contre un monde abrupte ;0)
· Il y a plus d'un an ·flodeau