La boucle.

realmppn

Nouvelle aux ambitions horrifiques.

Noa Rollet au volant de sa tire poubelle se damnait d'être autant fauché! Jamais un rond ! Ni pour l'assurance, ni pour l'essence, comme en témoignait la petite aiguille sur le tableau de bord s'approchant du R. Ses derniers deniers étaient au fond de sa poche, réservés au dealer  qu'il se hâtait de rejoindre.

La carlingue métallique perçait la nuit, plein phare, sur une route de campagne où les platanes parallèles faisaient une voute renversée de navire. Dans cet arche de Noé, seuls les animaux inquiétaient Noa Rollet. Il avait plus de chance d'emboutir un sanglier qu'une autre voiture. Sentir approcher la fin le rassurait, dix kilomètres puis l'autoroute, dix plus pour la civilisation. Chaque kilomètre passé nourrissait son excitation mais son énergie contrastait avec celle de sa caisse qui tomba en rade au milieu de nulle part. Noa se cogna la tête contre le volant en jurant. Il ne pouvait pas se résigner et était prêt à marcher pour se faire son fix tant espéré!

À l'horizon régnaient les ténèbres, mais à sa droite une faible lumière traversait la forêt. Il s'était habitué à l'obscurité et son œil exercé avait deviné un sentier conduisant à maison. Il s'y aventura avec l'espoir fou de trouver de l'aide. La lumière émanait d'une fenêtre qui révéla, ô grâce, devant ce vétuste édifice, une voiture garée!

Ce roublard savait siphonner de l'essence. Il retourna à son véhicule, s'arma d'un jerricane  vide et revint à la maison dans les bois. Discrètement, il commença sa besogne, dos à la porte putride de la maison qui semblait l'observer. 

La porte s'ouvrit dans un claquement assourdissant! Noa se retourna et vit une silhouette obscurcie par la lumière qui s'approcha. Elle devint distincte au fur et à mesure de ses pas longs et assurés. C'était une femme qui pointait son fusil sur lui.

Bien que pétri de peur Noa leva ses bras par réflexe. La femme continua d'avancer jusqu'à laisser paraître son visage qui trahissait l'effroi. « Je vous en supplie, ne me faite pas de mal! » chialait Noa à genoux. « C'était.. C'est toi? » s'enquit la femme d'une voix tremblante.  « Oui c'est moi! Noa! » s'empressa-t-il de répondre. La femme lâcha un soupir et baissa son arme. « Non c'est pas toi. » fit-elle. Un silence entre eux fit retentir l'accord de leurs souffles saccadés. Fugace instant brisé par des cris pressants provenant de l'intérieur. La femme accouru en s'écriant « mon fils! Mon bébé! », puis elle disparut laissant Noa seul avec la voiture.

Il se releva d'un bond en se disant qu'il ferait mieux de filer fissa avant le retour de l'autre folle. Mais la tentation de se servir en carburant le rattrapa. Alors qu'il s'apprêta à remplir son bidon, l'étonnement le frappa! Pourquoi donc cette allumée, d'abord méfiante à son égard, avait fait preuve d'une si grande imprudence en laissant sa porte béante?

Les cris apaisés s'étaient mués en pleurs. Un si gros chagrin mérite une mère autant dévouée, se disait-il. Il commença alors à nourrir ce sentiment qui lui était inhabituel : de la compassion. Mais il s'y refusa, comme il refusa de penser à sa mère inconnue. La contradiction le décida de tirer profit de cette situation pour légitimer son inquiétude pour la petite famille. Il passa le pas de la porte quand la femme réapparut avec son enfant dans les bras. Calme. Elle chuchotait une berceuse.

Quel taudis là-dedans ! Au rez-de-chaussée, un couloir où la femme se tenait face aux escaliers. Deux autres portes closes étaient bordées d'un papier-peint noir d'humidité aux extrémités. Noa interrompit la femme qui semblait l'ignorer : « tout va bien madame? » s'enquit-il. « Oh, vous. Repris la femme calmement, si c'est de l'essence qu'il vous faut, je peux vous le donner, mais s'il vous plaît, pourriez-vous passer la nuit avec nous? ». Noa examina la proposition. Avoir du carburant sans se pourrir la bouche était une aubaine, mais son insomnie due au manque fera de cette nuit une éternité. L'espoir de peut être tirer un coup fit pencher la balance du côté du oui. De près elle était pas si mal la tarée ! « Mais peut être devrais-je vous expliquez ma situation avant de prendre votre décision? » proposa la femme en ouvrant la première porte qui donnait sur le salon tout aussi délabré que le patio, illuminé par une unique ampoule nue qui crépitait au plafond. Les seuls meubles étaient une table, deux chaises et un vieux fauteuil, le tout encerclé de cartons couverts de draps blancs. La femme précéda Noa et l'invita à s'assoir face à la table après lui avoir dit de bien refermer la porte. Noa s'exécuta et était prêt à l'écouter.

La femme commença : « veuillez excuser l'état de ces lieux, on a emménagé la semaine dernière avec mon mari. Il est parti depuis deux jours. Commercial de son état, il voyage souvent. Je n'aime pas cette maison ! Mais elle était tellement abordable ! La nuit il y a ces bruits que je ne m'explique pas ! Ils viennent le plus souvent de la chambre du bébé, mais dès que je m'y rends ils disparaissent. Depuis le départ de mon compagnon, ils s'intensifient ! Les portes claquent sans raisons, au point que je les ferme systématiquement maintenant ! Et hier soir, j'ai retrouvé mon bébé hors de sa couche en larme!  ». Noa refrénait un rictus. Des fantômes, quelle blague ! « Il doit bien avoir une explication à tout ça. Vous êtes entourée d'une forêt, ça peut être de petites bêtes, rien de bien méch... » fit-il avant d'être interrompu « Regardez ces bleus sur mes bras! Quels genres de petits animaux feraient ça !? » s'exclama-t-elle en exhibant ses bras meurtris. Noa observa les stigmates avec intérêt et semblait sérieusement s'interroger, puis sur un ton rassurant il dit : « Écoutez, être une femme seule dans une maison si isolée ça peut faire déchanter … » la femme l'interrompit de nouveau : « vous me prenez pour une folle c'est ça? » «Non, répondit Noa, c'est sain d'être sur ses gardes; c'est l'instinct de survie. Rassurez vous, je vais rester. Votre amour inconditionnel pour votre enfant m'a touché, j'ai jamais connu mes parents, j'aurais aimé avoir une mère comme vous! Puis j'ai appris y a peu que mon père était commercial comme votre mari ! » Le visage de la femme s'éclaircit et un sourire commença à tirer ses lèvres jusqu'aux coins de ses joues. Ce sourire mit Noa mal à l'aise mais sa gêne fut masquée par une abrupte extinction des feus. Dans le noir la voix de la femme retentit avec un timbre nouveau, plus grave : « Oh ce satané disjoncteur! Cette maison est une véritable ruine! Vous pouvez le rallumer? Il se trouve au sous sol après la porte en face, au fond à droite. Je préfère ne pas laisser l'enfant seul et les marches biscornues qui y mènent sont une épreuve avec ce bébé dans les bras. » La femme déballait son explication avec un calme qui dénotait avec sa précédente colère. « Je m'en occupe » fit Noa en allant vers la porte de la cave.

Il ouvrit la porte qui grinça sournoisement. Il constata en évitant  de justesse une chute que les marches n'étaient pas de mêmes hauteurs. La voix de la femme retentit du fond du salon « Au fond à droite » avant de se taire complètement. Noa s'aventurait dans l'obscurité totale, en levant son bras pour éviter tout obstacle. Une odeur nauséabonde l'incommodait au point de retenir sa respiration, et plus il avançait, plus l'odeur était prégnante. En s'approchant du fond il commença à entendre un souffle roque derrière lui qui s'intensifiait avec l'odeur. Il prêtait l'odeur à une remontée d'égouts. « Satané manque, voilà que j'entends quelqu'un respirer maintenant ! » se damnait-il. En avançant plus profond dans la cave, le souffle lui semblait se matérialiser. Il sentit le froid sur sa nuque par intermittence et bien qu'il mourrait d'envie de se retourner pour s'assurer que son imagination lui jouait un tour, il ne le fit pas avant d'avoir rallumer le disjoncteur. La lumière fut, le souffle disparut, l'odeur aussi, et derrière Noa en haut des marches la femme se tenait stoïque, les yeux écarquillés. « Vous l'avez vu? Fit elle d'une voix éraillée. Vous avez vu cette silhouette qui se tenait derrière vous? ». Cette question inquiéta Noa qui s'empressa de monter les marches. Avec ce souffle qu'il avait senti, il commença à penser que cette femme lui jouait un mauvais tour. 

Il ne voulait pas entrer dans son jeu et affirma qu'il était  seul dans la cave et qu'elle ferait mieux de se reposer. Elle se calma face aux mots raisonnés de Noa mais en retournant dans le salon, les deux personnages constatèrent la disparition du bébé. La femme se mit à hurler et courra en trombe à l'étage. « Mon bébé! Mon bébé! Il a pris mon bébé! » s'exclama-t-elle. Noa l'a suivit  en haut. Elle jaillit hors  d'une première chambre et bouscula Noa qui encombrait le couloir d'une force telle qu'il s'effondra au sol. Elle s'engouffra dans une autre chambre et s'était enfin tue. De la porte entrebâillée, Noa vit uniquement une ombre aux contours carrés : des épaules larges et des bras puissants, une physionomie d'homme en somme. Il entendit le murmure de la berceuse de la femme et s'empressa de vérifier ce qui se passait dans la chambre. La femme se tenait debout face au berceau où le bébé semblait dormir paisiblement. Elle se retourna vers Noa, les dents serrés et les yeux grands ouverts. Sa voix stridente résonna : « va chercher mes calmants dans le tiroir de la cuisine! » ordonna-t-elle.

Noa ne trouva pas la force de s'opposer et s'exécuta.

Une fois en bas, il s'était résolut de partir  et s'empressa de saisir la poignée de la porte d'entrée qui lui échappa de la main et s'éloignait de lui à chaque nouvelle tentative. Il s'était alors juré d'arrêter définitivement la drogue en sortant de cette sale baraque ! Cependant les calmants dont parlait cette femme lui semblaient être une bonne solution pour calmer les effets de son manque. Dans la cuisine il ouvrit tous les tiroirs, en quête des précieuses pilules. Il finit par trouver la boite, d'où tomba une posologie. Il s'empressa de la ramasser pour s'assurer qu'il n'y ait pas de contrindications avec ses prises d'opiacés. Sur le verso du papier, il y avait un mot : « C'est fini! Je ne te reconnais plus. Tu te mutiles, tu me bats et tu oublies tout. Tu ne le vois pas mais la folie t'as envahi! Je m'en vais chercher les forces de l'ordre pour t'enlever notre fils! On se reverra devant le juge. » Noa n'était pas plus étonné que ça, sa théorie se validait, cette femme était cinglée. Il avala les calmants et courut vers la porte principale, mais le bébé s'était remit à beugler. Il ne pouvait pas se résoudre à abandonner l'enfant avec cette barge! Il monta alors à sa rescousse et vit la femme un couteau à la main, le bébé dans une autre. Elle baragouinait des mots en latin en gardant ses dents fermées. Ça sifflait, vociférait, remuait le bébé dans tous les sens. Elle était en transe. Noa se précipita sur elle et l'étreint de tous son corps. La femme lutta avec ses deux bras et laissa tomber l'enfant. Face la chute imminente Noa relâcha la femme pour rattraper le bébé en plein vol. Une fois au sol avec le bébé dans ses bras, la femme s'affala sur lui avec son couteau. Il tendit habilement sa main et retourna le couteau contre la femme qui le prit en plein ventre. Elle convulsait et son sang s'était répandu dans la pièce. Le bébé semblait endormi. Noa était abasourdi.

Il se releva difficilement. Il vit par la fenêtre de la lumière au loin. Une lumière bleue salvatrice. Il pensait son cauchemar finit, mais remarqua ses mains ensanglantées. C'était clair, les flics l'accuseront. Il sortit de la maison en rampant et prit le soin de récupérer son jerricane d'essence. Les policiers marchaient avec des torches le long du sentier menant à la maison. La distance se réduisait à vu d'œil. Il couru à travers les bois pour rejoindre sa tire.

Il y arriva enfin, essoufflé, soulagé. Il s'installa à l'avant, observa ses mains rouges sur le volant. Il se calma, se concentra sur son souffle mais il finit par entendre une autre respiration dans son dos. Ce souffle roque et froid. Il se retourna sec, personne. Il observa alors l'horizon, le jour commença à se lever. Soudain une voix grave retentit dans la voiture : « la boucle est bouclée » fit-elle. Elle venait de derrière lui, il se retourna à nouveau, personne. Il regarda alors dans son rétroviseur principal et vit dans le miroir au milieu de la banquette arrière son propre corps et son propre visage. « Oui, j'étais là depuis ton premier souffle. Je t'ai mené ici pour accomplir notre destin. Tuer ta mère pour n'être qu'avec toi. La boucle est bouclée. J'étais toujours là, tu n'as que moi, ton addiction, ton démon. Mais je veux une autre drogue maintenant. » L'homme, son double, appuya ses derniers mots en posant son regard sur les mains maculées de Noa. Noa se retourna, l'homme disparu. Il revérifia son rétroviseur, l'homme réapparu dans le miroir, il riait la gueule pendante tandis que Noa criait à de toutes ses forces.

  • Une fille Rolllet sans aucun doute...du voyage ellle reviendra entière….c'est sûr! ;0. mais la petite Sonia-Gianinna, qui la sauvera?

    · Il y a plus de 4 ans ·
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    flodeau

    • Merci pour ton commentaire! Un autre héros roule et si pas que des mécaniques Sonia-Gianinna s’en sortira!

      · Il y a plus de 4 ans ·
      Memel

      realmppn

    • Bien sûr que je te crois ;0)

      · Il y a plus de 4 ans ·
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      flodeau

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