La purée des étangs. (1)

La vie à la campagne semble plus dangereuse que la vie en ville, depuis que la technologie a pris en charge les vitres teintées et le verrouillage automatique en claquant les portes d'un bip sur un pick-up: tu peux t'enfermer facile avec Bourdin Direct à la radio en attendant les secours.

A la campagne, on est comme tout nu, on fait du mode opératoire comme on peut: avec des pinces à linges et des sacs à patates on arrive à faire des rideaux à la citronnelle pour éloigner le moustique des papillons, et on joue du appeau pour chasser les bêtes.

Ce soir là, et comme à mon habitude, j'avais planqué la pâte à dentifrice et le téléphone sous l'armoire de la chambre pour on ne sait jamais si on devait nous prendre en otage avec le chien, que nos haleines soient irréprochables avant une quelconque demande de rançon sur un appel anonyme. Betty avait des frissons qui courraient sur son dos et moi des fourmis dans les jambes: on était chacun dans une sorte d'expectative, à se demander si on avait bien fermé la porte des fromages et celle du congélateur.

- T'as tout bien tout verrouillé ? Les biquettes et les gousses aussi ?

Dans notre cave, j'affinais du chèvre et du brebis, tandis que Betty fabriquait des glaces à la vanille. Notre petite entreprise avait du succès car dans la vallée on disait qu'on était efficace, qu'avec un peu de lait et de savoir-faire on arrivait à faire à manger pendant que d'autres avec beaucoup d'huile et de laisser-aller, se contentaient de coups de soleil à la plage.

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