La brigade canine

Frédérique Panassac

J’en ai sauvé, des humains ! Des malheureux que la terre avait recouverts, des imprudents qui s’étaient aventurés en montagne au mépris des avertissements, des otages terrés au fond d’un trou ! Mes maîtres et moi, on fait partie d’un truc formidable qui s’appelle la brigade canine. Il a fallu qu’on aille renifler ensemble des mètres cubes de caillasse, des tonnes de neige, des blocs entiers de béton, et chaque fois que je flairais un des leurs et que je le sortais de là, j’avais droit à une récompense  - un biscuit à la viande, succulent - et à une caresse par-dessus le marché. Pourquoi étaient-ils si gentils ? Je ne faisais que mon devoir !
Mais ce soir là, Jean-Luc et Martine je les sentais à cran, ils devaient craindre quelque mauvais coup où je ne m’y connaissais pas ! Lèvres pincées, gestes brusques, pas une caresse, la voix rude : Rex, en place ! On venait de rentrer d’une mission en Indonésie, on avait sauvé la vie de villageois pris dans un glissement de terrain, on en avait secouru beaucoup mais pas tous, loin de là ! On était chez nous, dans le 9-3, mais mes maîtres avaient l’air bien sombre. Ce n’étaient plus les éléments déchaînés que craignaient Jean -Luc et Martine maintenant, c’était un piège qu’ils redoutaient, une bombe même, peut-être, qu’un malfrat ou un dealer aurait déposée là, dans la vieille bicoque en flammes, histoire de casser du flic, car ne croyez pas que mes maîtres soient inconscients, ils savent ce qu’ils risquent, ils ont les pieds sur terre, et c’est toujours avec un pincement au cœur qu’ils se rendent sur les lieux d’un appel. Là, pourtant, j’ai tout de suite senti que c’était du sérieux, que ce n’était pas une mise en scène, ni un traquenard. J’ai l’oreille bien plus fine que vous, vous savez, et les gémissements, je les ai entendus à deux cents mètres. Je me suis mis à courir, à aboyer, mes maîtres comme toujours m’ont suivi, péniblement. La fumée commençait à tout envahir, et moi je le sais bien, que la fumée, c’est encore plus dangereux que les flammes, dans un incendie ! Alors ils ont rampé, rampé, après avoir mis des masques qui leur font des têtes comme des coloquintes. Pour moi, pas de masque ! Mais je savais exactement où aller, je les ai guidés, ils ont vite trouvé la vieille dame qui gisait à terre. Vite, vérifier qu’elle n’est pas blessée, la transporter, pratiquer les gestes vitaux. Mais je n’avais plus rien à faire et je me suis éloigné vers la cuisine où m’attirait une odeur familière : ma marque préférée de croquettes ! J’avais le museau dans la gamelle (où était donc le chien de cette dame ? Le lâche, il s’était fait la malle dès le début de l’incendie, je ne lui aurais pas confié mes maîtres !). À ce moment un cri me parvient : "Rex ! On s’en va" ! Vous le savez, quand on m’appelle, je lâche tout, même les meilleurs morceaux, c’est pour ça qu’on me garde, à la brigade ! Alors je suis parti ! Pas de fumée pourtant dans cette cuisine, j’aurais pu prendre mon temps ! Il faut toujours que je me sacrifie ! Ah, si on ne peut même plus s’attarder pour jouir d’une table bien garnie ! Pourtant ils disent bien : « Après l’effort, le réconfort ! ». Mais ça, ce n’est pas pour les chiens !

  • Coucou Fred ! j'ai bien aimé ce texte sur ces chiens qui sauvent des vies... un message pour toi et une caresse pour Rex ! Maud (de Short) :-)

    · Il y a environ 9 ans ·
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    Maud Garnier

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